Les équipes d’EDF de Framatome, d’Eiffage, d’Arabelle Solutions et des autres entreprises concernées, avec leurs dizaines de milliers de salariés, sont d’ores et déjà mobilisées. En parallèle, le ton monte entre EDF et l’État. De son côté, la CGT rappelle dans un tract que sur le terrain « chacun œuvre à redresser la situation d’une filière nucléaire autrefois mise au pilori par le moratoire sur le nucléaire civil ».
Petit retour en arrière
La France, pays de la fission, a longtemps porté haut l’étendard de son indépendance énergétique. Pionnière du nucléaire civil, elle a su, dans les années 1970 et 1980, construire un parc de centrales parmi les plus performants au monde, faisant de l’atome le pilier de son électricité. Mais depuis, le vent a tourné. Les années passent, les gouvernements se succèdent, et la filière nucléaire française, autrefois fierté nationale, semble enlisée dans des difficultés dont elle peine à se défaire.
Le coup de grâce ? La vente d’Alstom Energy à General Electric en 2015, sous le quinquennat de François Hollande, un épisode symbole des « braderies » stratégiques. Ce rachat, orchestré sous pression américaine, a privé la France d’un fleuron industriel capable de concevoir et de maintenir en vie ses réacteurs. Un symbole fort de la désindustrialisation et du désengagement de l’État, qui a laissé un goût amer aux défenseurs de la souveraineté énergétique.
En 2022, le président Emmanuel Macron, autrefois prompt à fermer Fessenheim, a opéré un virage à 180 degrés. Il annonce la construction de six nouveaux réacteurs EPR2, avec l’ambition d’en lancer huit supplémentaires. Un retour en grâce du nucléaire, présenté comme une réponse aux défis climatiques et à la crise énergétique exacerbée par la guerre en Ukraine.
Fossé entre les annonces et la réalité
Mais entre les discours et la réalité, le fossé reste immense. Car derrière ces annonces se cache une question épineuse : le financement de ces projets. Les EPR2, dont le coût est désormais estimé par Bercy à près de 100 milliards d’euros, représentent un défi financier colossal que le gouvernement voudrait faire peser sur les épaules d’EDF.
Dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) publiée en novembre 2024, il est indiqué que « L’État confirme son soutien à ce programme et s’inscrit dans la perspective d’une décision finale d’investissement par le Conseil d’administration d’EDF en vue de son lancement au plus tard durant l’année 2026 ». Une hérésie pour la CGT qui rappelle que « L’État, désormais actionnaire unique d’EDF, connait la situation de son opérateur public » ; et de pointer « La dette financière importante, due particulièrement à la spoliation par l’ARENH, aux dividendes indus, aux investissements hasardeux à l’international ». Pour le syndicat, il est évident que « Dans ce contexte, EDF ne peut pas assumer seul le financement de la transition écologique et que la procrastination de l’État conduit la direction du groupe à réviser ses priorités budgétaires sur le programme EPR2 ».
En tout état de cause, le bras-de-fer entre EDF et l’État se joue sur la temporalité des prises de décision. Plus le temps passe et plus le devis qu’EDF présentera à son unique actionnaire risque de s’élever, au détriment des travailleurs d’ores et déjà engagés dans cette nouvelle bataille de l’énergie.