L’idée lui trottait dans la tête depuis des années. Michel Lefebvre rêvait de rendre à la sidérurgie française ses lettres de noblesse. Il voulait raconter ce que ces hommes et ces femmes — au teint buriné par les années passées dans les laminoirs — avaient accompli. Il ne voulait pas se résigner à voir la France condamnée à l’impuissance, privée d’acier et d’industrie.
Alors il a vu grand. Très grand, même. Il s’est mis en tête de créer, de toutes pièces, une véritable « Cité de l’acier », lieu unique en Europe, mêlant mémoire industrielle, recherche et formation. Nous sommes allés à sa rencontre.
Un rêve de sidérurgiste devenu combat politique
Fils de sidérurgiste, Michel Lefebvre connaît le métier de l’intérieur. Vingt ans à la direction commerciale d’Usinor, avant de devenir dirigeant communiste, maire de Douchy-les-Mines (Nord) et conseiller départemental. Autant dire qu’il en connaît un rayon sur l’acier et la sidérurgie. Depuis le 12 décembre 1978 — « jour funeste de l’annonce de la fermeture d’Usinor à Denain » — il n’a cessé de suivre de près ce qu’il appelle « l’épopée de l’acier ». Mais pour lui les choses sont claires : « Pas question de laisser croire que la sidérurgie n’a pas d’avenir en France, ni qu’on oublie celles et ceux qui l’ont bâtie ! »
Après quelque temps de réflexion, Michel Lefebvre a finalement monté son association, « Le monde de l’acier », en mars 2022. Elle devait être une première étape de ce gigantesque projet de « Cité de l’acier ». Trois ans plus tard, le pari est en passe d’être tenu. Une étude de faisabilité touche à sa fin, et le projet a déjà fédéré de nombreuses personnes, institutions et entreprises.
Trois piliers pour refonder une culture industrielle
Le projet s’articule autour de trois piliers. D’abord, un musée flambant neuf. « Du premier haut-fourneau autorisé en 1835 jusqu’à ce jour, il y a de quoi retracer l’évolution industrielle et humaine de la sidérurgie », insiste-t-il.
Ensuite, un espace d’échange, de rencontre et de coopération pour stimuler la recherche et l’innovation. « Un lieu tourné vers les aciers du futur, en particulier l’acier décarboné indispensable à la transition énergétique », nous confie-t-il. Une sorte de centre collectif de Recherche & Développement, en somme.
Enfin, le troisième pilier – et non des moindres – sera « un carrefour entre l’éducation et l’industrie pour que nos jeunes, nos lycéens, nos apprentis, puissent voir dans cette filière un avenir et non un passé révolu ».
Trois piliers pour une même Cité de l’acier, donc.
« Jamais je n’ai ressenti d’indifférence »
Entre ses dossiers et ses tas de feuilles, Michel Lefebvre se démène pour convaincre toute personne de passage que son projet a de l’avenir. « De toutes les rencontres que j’ai eues, jamais je n’ai ressenti d’indifférence ou de désintérêt », précise-t-il fièrement. Il voit même dans ces rencontres « le carburant qui a mis la machine en route ».
Fier, il peut l’être. La France manque cruellement de projets de la sorte. Il sait que la demande en acier va considérablement augmenter dans les années à venir. Il sait que, sans investissement dès aujourd’hui, la France sera incapable d’y répondre. Il sait, enfin, que le pays devra former plus d’un million de jeunes dans les dix prochaines années, pour reconstruire l’industrie nationale.
Alors il poursuit son « petit bonhomme de chemin », toujours plus entouré. Il enchaîne les rencontres pour nouer des partenariats avec le monde économique, les élus, les collectivités, et le monde de l’éducation. Tout pour faire exister cette « Cité de l’acier ».