Ce mercredi matin, 18 juin, la CGT d’ArcelorMittal affichait une fois de plus sa colère devant ce qu’elle considère être une opération de communication de la direction du site. Celle-ci avait en effet invité la presse pour faire visiter l’usine et présenter un plan d’investissement de 254 millions d’euros pour la maintenance du site et l’arrêt du haut-fourneau n°3.
Gaëtan Lecocq, secrétaire général de la CGT de l’entreprise, l’a maintes fois exprimé dans nos colonnes : ArcelorMittal Dunkerque n’investit pas sur l’avenir et le PSE d’ArcelorMittal France qui prévoit plus de 600 suppressions de postes dont la moitié à Dunkerque, est là pour le prouver. Au centre des préoccupations du syndicat : le projet de décarbonation, d’abord suspendu puis revu à la baisse. La CGT a exprimé son mécontentement ce jeudi en bloquant temporairement le site.
À quelques kilomètres de là, à Loon Plage, l’ambiance est tout à fait différente pour l’entreprise Aluminium Dunkerque. Certes, nous ne sommes pas dans les mêmes chiffres et la même dimension que le géant de la sidérurgie. Aluminium Dunkerque a été créée en 1991 à Loon-Plage où elle emploie 720 salariés et 250 sous-traitants. Elle produit environ 300 000 tonnes d’aluminium primaire par an. Depuis 2021, elle appartient à l’américain AIP.
Un nouveau four pour l’aluminium décarboné
Mais deux points essentiels font la différence entre l’homme d’affaires indien Lakshmi Mittal (propriétaire d’ArcelorMittal) et le PDG d’Aluminium Dunkerque Guillaume de Goÿs. D’abord, ce dernier a bien conscience que la demande d’aluminium dans le monde est en forte croissance et qu’il faut assurer côté production. Produire français, c’est ce que fait son entreprise qui est le premier producteur d’aluminium primaire de France. C’est ce qu’elle entend continuer à faire sans que cela coûte plus cher.
Second point, l’enjeu de la décarbonation a bien été compris par l’entreprise de Loon-Plage. « Sur le littoral dunkerquois, souligne Johan Vlietinck, délégué CGT de l’entreprise, trois entreprises importantes sont concernées par ce tournant indispensable pour l’avenir : ArcelorMittal, l’entreprise de pétrochimie Versalis (à Mardyck), et Aluminium Dunkerque. » Pour la première, on sait ce qu’il en est et la CGT ne croit toujours pas au projet. Chez Versalis, les 430 salariés sont toujours dans l’attente du projet de décarbonation mais ils savent que le propriétaire italien, ENI, a annoncé en mars dernier une restructuration dont fera les frais au moins un site en Italie (deux autres seront réorientés). Au moins, un partenaire a-t-il été annoncé pour Mardyck, ouvrant ainsi à plus d’optimisme qu’en début d’année.
Reste Aluminium Dunkerque où les récentes annonces ont de quoi réjouir tant le PDG que les salariés. Le 15 mai dernier, l’entreprise a inauguré un nouveau four de fonderie qui représente un investissement de 12 millions d’euros. Il s’agit d’un huitième four, mais celui-ci permettra de produire de l’aluminium recyclé et va créer une dizaine d’emplois supplémentaires. Il pourra produire jusqu’à 20 000 tonnes par an de lingots d’alliage d’aluminium vert en utilisant de l’aluminium recyclé en fin de vie (7 000 tonnes) et 13 000 tonnes, chaque année, de déchets internes. Il se fournira essentiellement dans la région et ailleurs en France, assurant ainsi un cycle d’économie circulaire. L’industrie automobile figure parmi ses principaux débouchés.
Ce faisant, le nouveau four conduira à une augmentation de capacité de 8 %. Cela s’inscrit parfaitement dans les besoins futurs. Selon l’Ademe et RTE, la demande mondiale d’aluminium devrait augmenter de 50 % d’ici 2050.
Accord avec EDF
Un autre point a enfin soulagé la direction et les salariés. Lors de l’inauguration du four, le 15 mai, Guillaume de Goÿs a annoncé la signature d’un contrat avec EDF qui devrait être finalisée fin juillet. Il faut savoir que le 31 décembre prendra fin le dispositif ARENTH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) dont bénéficie Aluminium Dunkerque à des conditions tarifaires intéressantes auprès d’EDF. L’ARENTH protégeait aussi l’entreprise des fluctuations des prix du marché.
La question du devenir de la fourniture d’électricité se posait donc de manière cruciale, Aluminium Dunkerque étant le plus gros consommateur d’électricité de France (4 térawattheures par an, soit 4 milliards de kilowattheures ).
L’incertitude est levée avec un contrat qui portera sur dix ans. Si l’on ne dispose pas encore d’informations sur le tarif, la durée envisagée donne une visibilité à long terme. C’est un élément important pour les investissements futurs. En 2022, l’entreprise avait arrêté momentanément des cuves à électrolyse suite à la flambée des prix de l’énergie, et malgré l’ARENTH.