Dans l’ombre des aciéries et des hauts-fourneaux, elle travaille sans relâche à purifier, transformer, améliorer. Sans elle, pas de ponts, pas de rails, pas de réacteurs, pas de moteurs.
Une pierre qui fait fondre le métal
Produite à partir de calcaire chauffé à très haute température, la chaux vive (CaO) est l’un des agents les plus actifs du processus sidérurgique. Elle agit comme un nettoyeur chimique : elle désulfure, déphosphore, capte les impuretés. Dans un haut-fourneau, elle forme le laitier, un résidu indispensable qui sépare la fonte brute du reste.
Et dans les aciéries modernes, que ce soit dans les fours à arc électrique ou dans les convertisseurs, la chaux est partout. Elle n’est pas un « à-côté » du métal, elle en est le partenaire silencieux.
En France, plus de la moitié de la chaux produite est destinée à la sidérurgie. Ce lien est si fort que le moindre bouleversement dans la production de chaux peut enrayer toute une chaîne industrielle. Mais cette production pourrait être menacée, tant par les choix de certains groupes industriels que par l’absence de planification publique.
La décarbonation ne se fera pas sans elle
Le paradoxe est là : la chaux est à la fois le problème et la solution. Oui, sa production émet du CO₂, mais elle est aussi la clé pour produire des aciers plus propres, indispensables à la transition énergétique. Réduire ses émissions par captation carbone ou électrification, c’est possible. Encore faut-il vouloir l’investir.
Ce n’est pas en délocalisant ou en externalisant la production de chaux qu’on construira une sidérurgie décarbonée, souveraine et durable. C’est en regardant en face cette matière méconnue, mais décisive, et en lui redonnant sa place de choix dans la politique industrielle du pays.