Depuis des années, Thyssenkrupp cherche une issue pour une branche plombée par la faiblesse de la demande et la flambée des coûts énergétiques. Fusions avortées, cessions partielles : rien n’y a fait. En 2024, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky avait pris 20 % du capital de Thyssenkrupp Steel Europe (TKSE) avec l’idée de monter à 50 %. L’arrivée de Jindal pourrait rebattre les cartes. Le directoire allemand assure qu’il évaluera l’offre « en regard de sa viabilité économique, de la poursuite de la transition verte et de la protection de l’emploi ».
Jindal à l’assaut du marché européen
Pour Jindal, l’enjeu est clair. S’implanter au cœur du marché européen et prouver qu’une sidérurgie bas-carbone peut rester compétitive. L’entreprise promet de garantir la production en Allemagne, d’investir plus de deux milliards d’euros dans des fours à arc électrique et de livrer un site d’acier « vert » à Duisbourg. Le syndicat IG Metall, d’ordinaire prudent, salue l’ouverture de discussions rapides.
TKSE, qui a réalisé 10,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires l’an passé, n’est pas qu’un symbole national. Ses aciers alimentent l’automobile, l’énergie, les infrastructures européennes. Mais la division a déjà réduit sa capacité de 11,5 à environ 9 millions de tonnes et prévoit la suppression de quelque 11 000 postes. En France, l’usine d’Isbergues (Pas-de-Calais) – 550 salariés et une soixantaine d’intérimaires, spécialisée dans les tôles magnétiques pour transformateurs et éoliennes – est directement concernée. Une mesure de chômage partiel doit y entrer en vigueur dès octobre.
Une décision lourde d’histoire industrielle
Au-delà du dossier social, l’opération illustre un basculement plus large. Comme d’autres géants européens, Thyssenkrupp se déleste de ses activités les plus lourdes pour se recentrer sur les technologies industrielles, l’hydrogène ou la construction navale. Les investissements colossaux qu’exige la décarbonation accélèrent ce mouvement. Produire un acier à faible empreinte carbone suppose des milliards que le groupe ne veut plus porter seul.
Que décidera le conseil d’administration ? Accepter l’offre indienne reviendrait à confier deux siècles d’histoire industrielle à un partenaire venu d’Asie, tout en espérant une continuité productive. Refuser, c’est prendre le risque de nouvelles années d’incertitude. Dans la Ruhr comme à Isbergues, salariés et syndicats savent que le temps joue contre eux ; dans la sidérurgie européenne, les hauts-fourneaux refroidissent plus vite que les promesses.
Thyssenkrupp dans la sidérurgie en 2025
- Thyssenkrupp Steel Europe est le deuxième plus grand producteur d’acier plat en Allemagne, avec une capacité ajustée à environ 8 à 9 millions de tonnes annuelles, contre 11,5 millions auparavant.
- La division sidérurgique a réalisé un chiffre d’affaires de 10,7 milliards d’euros sur l’exercice 2024-2025, en baisse par rapport aux années précédentes, sous l’effet d’une demande faible dans des secteurs clés comme l’automobile.
- Thyssenkrupp emploie environ 27 000 salariés, répartis sur plusieurs sites en Allemagne. À horizon 2030, l’entreprise planifie la suppression de 11 000 postes dans cette branche