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Vrai ou faux

Cinq idées reçues sur ArcelorMittal

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Mise à jour le 6 juin 2025
Temps de lecture : 5 minutes

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Industrie Sidérurgie ArcelorMittal

La sidérurgie est de retour dans le débat public — et ce n’est pas grâce au gouvernement, mais à la mobilisation des ouvriers et de leurs syndicats. Acculé, ArcelorMittal tente de justifier fermetures et reculs par une série d’arguments douteux.

Retour sur cinq idées reçues sur la crise de la sidérurgie.

1. « La demande d’acier est en chute libre en Europe »

C’est un argument de poids pour fermer des hauts-fourneaux et faire passer la pilule. Puisqu’il n’y a plus de commande, à quoi bon produire ? Si les choses étaient si simples, ça se saurait.

Certes, en France, il y a eu une baisse de la consommation d’acier, due à la désindustrialisation générale. Mais c’est du côté de la demande européenne qu’il faut regarder, puisque l’acier français est largement destiné à l’export et que l’Union européenne pèse pour 80 % des destinations.

Or, la demande reste plutôt stable sur le continent depuis 2009 (hors effet COVID). Sur certains segments, comme la construction ou l’automobile, elle est même plutôt en hausse. D’ailleurs, nous sommes même contraints d’importer de l’acier étranger à hauteur de 17 % pour combler le manque de production européenne !

2. « C’est la Chine qui casse les prix avec ses surcapacités »

Bien malin celui qui pourrait contredire cet argument d’autorité. C’est bien connu ! Ce sont les Chinois qui font fermer nos usines. Et pourtant… les faits sont têtus ! Car si l’on importe 23 millions de tonnes d’acier chaque année en Europe, c’est bien parce que l’on n’en produit plus suffisamment. Il ne faut pas inverser le problème.

Et sur ce point, la Chine est plutôt petite joueuse puisqu’elle ne représente que 3 % de la consommation d’acier brut européenne. Elle reste derrière l’Inde et la Russie. Les surcapacités chinoises se résument en un chiffre : elle ne consomme « que » 93 % de ce qu’elle produit chez elle. Un « problème » qu’elle est en train de régler, par ailleurs. Mais qu’à cela ne tienne, l’argument est imparable. Notons enfin que le déficit commercial français est surtout intra-européen.

3. « Le marché est saturé, inutile de maintenir nos hauts-fourneaux »

Un argument similaire au premier. Cette fois, ce n’est pas la « chute de la demande » qui est en cause, mais bien le « surplus de production ». Il faudrait donc à la fois se battre contre les importations et, dans le même temps, fermer nos capacités de production car le marché serait saturé. Chacun en tirera la conclusion qu’il souhaite.

Mais ce qui est pratique avec l’acier, c’est que l’on peut connaître assez précisément la demande dans les années futures. Et les prévisions sont sans équivoque : il va y avoir une hausse de la consommation d’acier dans les prochaines années, tirée par la transition énergétique, la relocalisation de certaines productions, la rénovation des logements, etc.

En d’autres termes, fermer des hauts-fourneaux aujourd’hui au motif que la demande n’a pas augmenté, c’est se tirer une balle dans le pied pour demain. La sidérurgie est une industrie lourde. On n’appuie pas sur un bouton pour produire davantage d’acier. Ça se prépare, il faut investir, former, moderniser, construire… ça se planifie ! Ce ne serait donc pas un drame d’avoir des surcapacités momentanées, au contraire.

4. « Pas d’alarmisme, la France produira toujours de l’acier »

Après avoir annoncé en fanfares des investissements pour moderniser ses sites et décarboner ses productions, Mittal revient en arrière. L’État s’était d’ailleurs engagé à financer pour près de la moitié le grand projet de l’entreprise à Dunkerque.

L’idée était de remplacer progressivement les hauts-fourneaux à charbon par une unité de réduction directe (DRI) utilisant du gaz puis de l’hydrogène et deux fours à arc électrique (EAF). Près de 2 milliards d’euros étaient mis sur la table. Mais, en novembre 2024, l’entreprise a suspendu ce projet sous prétexte de « non-compétitivité de l’acier produit en Europe face à la concurrence asiatique ». La boucle est bouclée.

Face à la montée du sujet dans le débat public, la société est finalement revenue dessus le 15 mai 2025 en « confirmant son intention » d’investir « à condition de… ». Reste sur la table un seul four à arc électrique. Comptons que, en plus de la décarbonation, s’il n’y a pas d’investissements conséquents réalisés tout de suite, il n’y aura plus de production d’acier neuf en France après 2030. Les hauts-fourneaux sont réellement en bout de course. Plusieurs sont d’ores et déjà à l’arrêt.

5. « Des barrières douanières européennes vont régler le problème »

C’est le grand projet qui fait l’unité à Bruxelles. Un programme commun de l’acier. Mettre des barrières douanières pour freiner les importations d’aciers asiatiques. Quoi de plus naturel quand on considère que notre problème vient d’une « demande d’acier en berne » ; « de la Chine qui casse les prix » ; et d’un « marché saturé ». Si le fauteur de trouble n’est pas Mittal mais bien l’acier étranger, alors bloquons-le ! Mauvais diagnostic, mauvais traitement. Sauf qu’en matière d’acier, ça pourrait bien être fatal !

La sidérurgie française accumule un déficit commercial au sein de l’Union européenne. Mais à la surprise générale, le pays reste excédentaire en dehors du continent. Concrètement, des droits de douane à la frontière de l’UE auraient pour effet de fermer des marchés à la France en cas de rétorsion, sans pour autant résoudre son déficit commercial, puisqu’il est précisément au sein de la Communauté européenne. En prime, ça ne ferait qu’augmenter le prix de l’acier qu’on importera demain.

En définitive, la demande est là, la Chine n’est pas la cause de nos fermetures, le marché n’est pas saturé, l’avenir de la production est compromis par l’inaction, et les outils européens sont mal calibrés. Les faits sont clairs. Reste à en tirer les conclusions politiques. Produire ou disparaître : il faut choisir.

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