En moins de dix ans, Nexchip est passée du statut de filiale de Powerchip à celui de pilier de la stratégie chinoise dans les semi-conducteurs. Spécialisée dans les puces dites matures (28 nm et plus), la société s’est hissée parmi les principaux concurrents des fonderies taïwanaises, grâce à un alignement stratégique étroit avec Pékin.
Qu’est-ce qu’une puce mature ?
Les puces matures, ou « legacy », sont fabriquées avec des technologies éprouvées (28 nm et plus). Bien que moins avancées que les puces de dernière génération, elles sont omniprésentes dans l’automobile, les appareils domestiques ou l’Internet des objets. Leur production est moins lucrative, mais reste vitale pour le fonctionnement de l’économie mondiale.
L’ascension planifiée de Nexchip sur les technologies éprouvées
Dès ses débuts, Nexchip a bénéficié d’un appui massif de l’État chinois. Subventions, allègements fiscaux, accès facilité au foncier : tout a été mis en œuvre pour relocaliser la production de composants électroniques jugés critiques. Pékin encourage également les industriels chinois à se tourner vers les fournisseurs locaux, créant ainsi un marché domestique captif.
Mais c’est surtout la politique tarifaire de Nexchip qui bouleverse le marché. En pratiquant des prix bien en dessous des standards de rentabilité des acteurs établis comme UMC, Vanguard ou Powerchip, l’entreprise a rapidement conquis des clients dans des secteurs comme l’automobile ou l’électronique grand public.
Ce développement est soutenu par une vague d’investissements sans précédent. Depuis la fin 2024, la Chine a ouvert 32 méga-fabs exclusivement dédiées aux technologies matures, dont plusieurs sous la bannière de Nexchip. Cette stratégie offensive traduit une volonté claire : faire des puces legacy un levier de puissance industrielle.
Vers une recomposition mondiale du secteur
Les effets de cette montée en puissance sont déjà visibles. En 2024, la Chine concentre 34 % de la capacité mondiale de production de puces matures, contre 43 % pour Taïwan. Selon les projections, elle pourrait prendre la tête d’ici à 2027.
Face à cette pression, les Taïwanais accélèrent leur montée en gamme ou cherchent à se positionner sur des niches spécialisées. Mais la dynamique profite surtout à Pékin, qui capte une part toujours plus grande de la chaîne d’approvisionnement mondiale.
L’Europe, quant à elle, reste focalisée sur les puces de pointe et néglige ce segment mature pourtant crucial. Une stratégie risquée, alors que ces composants sont indispensables à son industrie manufacturière. En cas de choc d’approvisionnement, sa dépendance envers la Chine pourrait se révéler problématique.
Pourquoi Nexchip inquiète-t-il autant ?
La percée de Nexchip menace l’équilibre mondial de la chaîne des semi-conducteurs :
- Elle érode le leadership historique de Taïwan.
- Elle accroît la dépendance des économies occidentales à l’égard de la Chine.
- Elle fait peser un risque de guerre des prix mondiale.