Retour sur cette lutte pour la sauvegarde d’un bassin industriel entier.
Un pilier de l’industrie chimique locale
Spécialisée dans la fabrication de produits chimiques entrant dans la composition de peintures et vernis industriels, Vencorex est un acteur majeur de la chimie en Isère. Le site de Pont-de-Claix, ainsi que ceux de Saint-Fons et de Saint-Priest, emploient aujourd’hui près de 500 salariés, mais leur avenir est suspendu depuis le 10 septembre, date à laquelle la société a été placée en redressement judiciaire. Appartenant au groupe thaïlandais PTT Global Chemical, Vencorex utilise une infrastructure bien spécifique pour produire des isocyanates, composants essentiels pour l’industrie des revêtements. Pour ce faire, l’entreprise s’approvisionne en sel acheminé par saumoduc depuis une mine de la Drôme, une connexion qui symbolise les liens entre plusieurs industries de la région.
Cette production de sel est aussi centrale pour le site voisin d’Arkema à Jarrie, qui utilise le surplus traité pour fabriquer de la soude caustique, approvisionnant à son tour Framatome pour des applications dans l’industrie nucléaire. La possible fermeture de Vencorex menace donc directement non seulement les emplois directs, mais également tout un écosystème de sous-traitants, de fournisseurs et d’industriels partenaires. Au total, la CGT estime que plus de 6 000 emplois pourraient être affectés par cette fermeture.
Une mobilisation médiatisée
Nous vous en parlions
Isère : Une lutte pour la dignité est engagée à VencorexDepuis l’annonce du redressement judiciaire, la mobilisation des salariés et des syndicats n’a cessé de croître. En septembre, la colère a éclaté lors de la présentation par BorsodChem, un concurrent hongrois, d’une offre de reprise qui ne préserverait que 25 emplois, soit seulement 5 % des effectifs actuels. Le désarroi des travailleurs, dont beaucoup ont plus de 45 ans, s’est rapidement transformé en une grève générale, avec des actions relayées dans les médias locaux et nationaux. Les syndicats, en particulier la CGT et la CFE-CGC, ont multiplié les actions et les déclarations pour alerter sur les conséquences d’une fermeture de Vencorex, dénonçant une approche purement financière de la situation.
La campagne de solidarité, intitulée « Sauvons la plateforme, sauvons les emplois », a donné lieu début octobre à une manifestation rassemblant près de 700 personnes dans les rues de Pont-de-Claix. Grâce à cette pression sociale et médiatique, le tribunal de commerce de Lyon a consenti à prolonger le délai de redressement, laissant ainsi aux acteurs industriels et potentiels repreneurs un temps supplémentaire pour se manifester.
Un sursis jusqu’en mars pour sauver les emplois
Le nouveau délai, fixé au 6 mars, représente un espoir pour les salariés de Vencorex et leurs soutiens. Ce sursis est une opportunité pour les potentiels repreneurs de soumettre des propositions qui prendraient mieux en compte la sauvegarde des emplois et le maintien des activités industrielles du site. Bien que Wanhua, maison mère de BorsodChem, reste en lice, le contexte actuel et la mobilisation des salariés pourraient attirer d’autres candidats plus soucieux de préserver le tissu industriel et social de l’Isère. Les discussions en cours avec Bercy laissent également penser que l’État pourrait jouer un rôle de facilitateur pour éviter une solution de reprise minimaliste.
Pour les travailleurs de Vencorex, ce sursis est un encouragement à poursuivre la lutte, qui est devenue pour eux une « bataille pour la dignité ouvrière » et pour la défense d’un territoire industriel emblématique. Avec des liens économiques aussi vastes, allant de l’industrie chimique à celle du nucléaire, en passant par la métallurgie, l’issue de ce dossier pourrait avoir des répercussions bien au-delà de la région grenobloise.