C’est une nouvelle que tout le monde redoutait, mais qui fait mal quand elle devient officielle. Le site Stellantis de Douvrin, ex-Française de Mécanique (AFM), va fermer ses lignes de production thermique. L’annonce a été faite lors d’un CSE fin juillet. Une page se tourne pour ce site emblématique du bassin minier, fleuron industriel de la coopération entre Renault et Peugeot, capable de produire jusqu’à 6 000 moteurs par jour dans ses meilleures années.
À lire aussi
Industrie :
Plongée au cœur d’une gigafactory
Fondée en 1969 par PSA et Renault sous le nom de Française de Mécanique, l’usine de Douvrin symbolise l’âge d’or des motorisations thermiques françaises. Plus de 50 millions de moteurs y ont été produits, pour équiper des modèles aussi variés que la DeLorean, les Renault 20 ou les Citroën AX. L’usine a longtemps incarné la reconversion industrielle du bassin minier, après la fin de l’extraction houillère.
Le bloc diesel DV cessera d’être fabriqué au 1er novembre 2025. Le deuxième, un moteur essence EB, poursuivra son assemblage jusqu’en 2026, mais à une cadence réduite. Après cette date, ce sera la fin de toute production thermique sur le site.
Une reconversion industrielle en trompe-l’œil
Le choc est brutal. Car l’AFM, au-delà de la mécanique, c’est une part du tissu social local. Un repère, un acteur économique de poids, un symbole de la reconversion post-minière. Et surtout, un site où les salariés n’ont jamais cessé de se battre pour faire vivre l’outil industriel.
Mais cette fermeture est aussi le symptôme d’un double échec. D’un côté, celui d’une Europe technocratique, qui a imposé l’abandon du moteur thermique à marche forcée sans organiser les conditions industrielles de la transition. De l’autre, celui d’un capitalisme sans stratégie, où Stellantis externalise massivement, supprime la fonderie en 2003, et prépare depuis des années la fin programmée du site.
Le passage de PSA à Stellantis n’a fait qu’accentuer la logique de centralisation et de délocalisation. Désormais, la production de moteurs se concentrera sur les sites de Trémery (Moselle), ainsi qu’en Pologne et au Maroc.
Une bataille pour la production à relancer
La gigafactory d’ACC, construite sur une partie du même périmètre industriel, devait incarner la « réindustrialisation verte ». Mais elle peine à répondre aux attentes. Rebuts de production élevés, difficultés de montée en cadence, retards technologiques, hésitations sur la standardisation des cellules, coopérations tardives : derrière les sourires de façade, le chantier est loin d’être stabilisé. Là où il aurait fallu planifier, on a improvisé. Là où il aurait fallu coopérer, on a fait de la politique de blocs.
La direction du groupe affirme que « comme prévu, la production locale de moteurs thermiques va progressivement s’arrêter pour favoriser les transferts vers d’autres activités » — comprendre : vers la gigafactory voisine de batteries ACC, cofinancée par Stellantis, TotalEnergies/Saft et Mercedes-Benz. Officiellement, Stellantis indique pouvoir « proposer un poste à tout le monde dans le groupe », sans préciser les modalités concrètes. En réalité, seuls 330 salariés ont pour l’instant été transférés sur le nouveau site de batteries. À Douvrin, environ 350 personnes restent employées sur la ligne thermique, mais pour combien de temps encore ?
Mais tout n’est pas perdu. Les savoir-faire sont là, la fierté ouvrière aussi. Encore faut-il une vision, une planification, une coopération technologique, notamment avec les puissances industrielles qui maîtrisent aujourd’hui le secteur des batteries, comme la Chine. Ce qui manque, ce ne sont pas les capacités des travailleurs, c’est une politique industrielle digne de ce nom.
La bataille de Douvrin ne fait que commencer.