Les salariés d’ArcelorMittal ne savent plus que penser. Depuis juin 2024, la CGT tire la sonnette d’alarme sur l’avenir de la sidérurgie française. Depuis, les faits lui donnent raison : suspension à Dunkerque du projet d’acier décarboné, pourtant vital pour l’avenir, manque d’investissement sur les sites français et européens en général. En revanche, le groupe investit 900 millions de dollars pour une usine d’acier électrique aux États-Unis (en Alabama) et veille au maintien de positions fortes au Brésil et en Inde.
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L’acier, colonne vertébrale de l’industrie française
Il y a de quoi se poser de sérieuses questions quant aux intentions d’ArcelorMittal. « L’heure est grave. Va-t-on encore produire de l’acier en France ? », demandait Fabien Roussel ce mardi matin dans les studios de France2. Il assurait craindre, dans la journée, l’annonce de fermetures de sites ou de suppressions d’emplois. Pour le secrétaire national du PCF, « la production d’acier est la colonne vertébrale de l’industrie française. » Ces fermetures nous rendraient « dépendants d’autres puissances pour notre industrie. (…) Si [les annonces sont faites] j’appellerai le gouvernement à se réunir et à ne pas se laisser faire. Je demande que la nationalisation d’ArcelorMittal soit étudiée comme un moyen de maintenir un appareil productif stratégique dans notre pays. »
🗣 "L'heure est grave, la question c'est : est-ce qu'on va encore produire de l'acier en France ? On craint des annonces de fermetures de sites."
👉Fabien Roussel exprime ses inquiétudes sur l'avenir de l'industrie française sur France 2
Publiée par Liberté actus sur Mardi 11 février 2025
Finalement, le Comité d’entreprise européen qui s’est réuni à Luxembourg a limité les mauvaises nouvelles. Mais une telle réunion, qui s’est prolongée par des comités d’entreprise dans les différents sites, est assez rare pour ne pas manquer de laisser percer la gravité de la situation. En préalable, peut-on lire dans un rapport confidentiel que nous avons pu nous procurer, le président d’ArcelorMittal France, Alain Le Grix de la Salle, annonce que « l’incertitude économique en Europe impacte les résultats d’ArcelorMittal. L’Europe continue de connaître une croissance des importations et le marché de l’acier est en surcapacité. La demande d’acier ne cesse de baisser de façon structurelle : de 159,9 Mt en 2008, elle est passée à 120,6 Mt en 2024. (…) L’utilisation des capacités en Europe a chuté de 60 % ». Au passage, on apprend que le distributeur d’acier Tata Steel annonce une réduction de 2 800 emplois. L’Allemand ThyssenKrupp réduit drastiquement son effectif de 11 000 emplois.
Un calendrier court
Alors, la direction d’ArcelorMittal, en Europe, entend jouer sur le levier de ses activités support qu’elle compte délocaliser en Inde, dans un nouveau pôle de centralisation des services. Par « activités support », il faut entendre les services achats, la chaîne d’approvisionnement, les services financiers, les ressources humaines, les ventes, le marketing, la gestion des commandes. Ces services, au moins en partie dans un premier temps, seraient transférés en Inde. Arcelor prend exemple sur des entreprises comme Klöchner, Ikea ou Bosch qui ont transféré leur Business Center dans ce pays.
Bien sûr, la direction se veut rassurante et assure ne pas vouloir travailler dans la précipitation. Sauf que, prévient le patron européen des Ressources humaines, Bertrand Chauvet, « le temps n’attend pas et les décisions doivent être prises assez rapidement. » Hors de question, pour lui, de passer par un accord de méthode, un « concept français » trop lent pour lui.
De toute façon, un calendrier a été fixé. Le processus d’information et de consultation va se dérouler entre février et avril. La mise en place va se faire en mai pour une implantation à partir de juin-juillet. Pour l’instant, aucune information concernant l’impact qu’auront ces transferts dans les différents sites concernés. « Nous croyons en notre industrie en Europe et ce projet va aller dans ce sens afin de lui donner un avenir*, jure Alain Le Grix de la Salle. Il est vraiment trop prématuré pour parler de chiffres et quels emplois vont être délocalisés.* »
Une taxe sur l’avenir de notre industrie
Au terme du comité d’entreprise européen, les représentants du personnel constatent amèrement que la direction n’a aucune réponse à leur apporter en ce qui concerne le nombre d’emplois concernés, ou un objectif cible. « L’étude ne fait que commencer. Mais, disent-ils, nous ne pouvons croire que Mittal n’a pas donné une cible minimum à atteindre. »
Pour eux, qui attendaient des réponses sur l’avenir des sites d’ArcelorMittal France, le groupe « arrive avec un nouveau plan de restructuration qui va générer d’autres questions et inquiétudes des salariés, auxquelles nous n’aurons pas plus de réponses. » À Dunkerque, Gaëtan Lecocq (CGT d’ArcelorMittal Dunkerque) s’attendait lui aussi au pire pour des sites comme Florange. Mais ces nouvelles sont loin de le rassurer pour autant. Pour lui, ce plan de délocalisation des activités support n’est que le début d’une délocalisation plus générale : celle de l’outil de production. Comme Fabien Roussel, il estime que la solution doit passer par une nationalisation.
En France, ArcelorMittal emploie 15 350 salariés. Et on sait que les centres de service de Denain et de Reims sont en cours de fermeture. On sait aussi que la demande d’acier, à l’horizon 2050, va augmenter de façon très importante. ArcelorMittal taxe l’avenir de notre industrie qui devra alors importer ce qu’elle sait produire.