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Dunkerque

À ArcelorMittal, « l’esprit banquier a remplacé l’esprit industriel »

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Industrie ArcelorMittal Social Emploi

Où va le site sidérurgique de Dunkerque ? Il y a 60 ans, alors que venait de s’installer l’usine « pieds dans l’eau », Usinor employait 10 000 salariés. Ils sont un peu plus de 3 000 aujourd’hui sur le site de Grande-Synthe et environ 500 sur le site de Mardyck. Si Mardyck envisage de produire des aciers pour l’industrie automobile, l’usine de Grande-Synthe amène de nombreux questionnements.

« Sans l’incident survenu sur le HF4, en mars 2023, l’usine n’aurait pas été déficitaire. Avant, elle explosait les bénéfices. » Pour la CGT de l’usine dunkerquoise d’ArcelorMittal, l’insuffisance d’investissements sur le site de production (le plus important en France) conduit à des catastrophes.

En novembre 2020 déjà, une explosion s’était produite à la cokerie et avait déclenché un incendie. Elle avait été provoquée par un dégoudronneur, un outil qui permet de nettoyer le gaz. Personne n’a été blessé. Le 30 mars 2023, le blindage du haut-fourneau perce sur un mètre de diamètre. À l’intérieur, il y a de l’hydrogène. Résultat : une explosion. Gaëtan Lecocq (secrétaire de la CGT) se trouvait sur le site. Seuls quelques blessés légers ont été à déplorer. Mais face à l’incendie, « on n’était pas fier, avoue le syndicaliste. Le pire, c’est qu’on savait qu’il allait arriver quelque chose de ce type en raison d’une insuffisance de maintenance. »

D’après les informations données par la direction, cet incident a entraîné l’arrêt du haut-fourneau pendant plusieurs semaines et a coûté un demi-milliard d’euros en baisse de production.

Maintenance, investissements, compétences

La maintenance, les investissements, les compétences. C’est, la CGT en est convaincue, sur cela qu’il faut agir. Elle alerte depuis des années. Mais la direction, qui doit investir 1,7 milliard d’euros pour la décarbonation du site (dont 50% financés par une aide publique annoncée par le ministre de l’Économie en janvier 2024), semble avoir des difficultés à se projeter dans l’avenir.

« Regardez le train continu à chaud : on ne parvient plus à y assurer des programmes, faute d’investissements et de compétences. Parfois, on produit 200 000 tonnes, parfois 300 000. C’est irrégulier. » Le train continu à chaud (TCC) – ou train à bandes – est un outil qui permet de laminer à chaud des produits plats, c’est-à-dire des bandes d’acier longues, mais de faible épaisseur. ArcelorMittal y a pourtant investi 31 millions d’euros en 2020, après une décision prise trois ans plus tôt.

Pour Gaëtan Lecocq, la problématique est la même partout, sur l’ensemble des sites européens, même en Allemagne où le lobby automobile montre les dents. « Mittal préfère investir massivement au Brésil, en Inde, et aux États-Unis qui ne peuvent importer de l’acier. »

Quid de la fuite des compétences que dénonce la CGT ? Le syndicaliste livre une anecdote. « En juin, la direction a demandé au directeur industriel de réunir un maximum de salariés pour les rassurer sur le sort du HF4. Un mois plus tard, il quittait l’entreprise où, après avoir commencé comme chef d’atelier, il avait fait toute sa carrière. C’était quelqu’un de respecté qui connaissait le terrain. »

Sans tomber dans la facilité du « c’était mieux avant », on est loin de l’esprit qui prédominait jusque dans les années 80/90. « L’esprit banquier a remplacé l’esprit industriel » estime Gaëtan Lecocq. « Il faut aujourd’hui réduire les budgets au maximum et gagner le plus d’argent possible. Sauf que nous sommes dans de l’industrie lourde. Nous fabriquons de l’acier et on ne peut pas former quelqu’un en deux mois. »

Démissions

Les gens partent ailleurs. Nul doute que Verkor qui s’installe à proximité (à Bourbourg) fait figure de pôle d’attraction. La gigafactory de production de cellules de batteries électriques bas-carbone annonce la création de 1200 emplois directs et 3000 indirects. En attendant, d’autres nouveaux sites de production attirent les salariés d’ArcelorMittal.

C’est le cas pour Clarebout Potatoes qui recrute des techniciens, ingénieurs, automaticiens… C’est vrai aussi pour Suez Eau France Dunkerque ou Dalkia. C’est encore le cas pour la centrale de Gravelines qui recrute pour les projets d’EPR. « Pourtant, commente Gaëtan Lecocq, un accord venait d’être signé avec le Medef Côte d’Opale, à l’initiative d’ArcelorMittal, pour éviter que les entreprises se piquent des salariés ! ».

Les conditions de travail et les salaires des sidérurgistes ne semblent pas faits pour retenir les salariés expérimentés. « Un technicien de maintenance, fort de 20 ans d’expérience, touche un salaire de base de 2300 euros. Des jeunes qui viennent d’être embauchés gagnent davantage. » Des démissions sont enregistrées parmi les cadres, les ingénieurs, les chefs de poste, etc. Parallèlement, les négociations prévues en début d’année sont sans cesse repoussées. Les salariés pressentent un orage social prochain.

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