Liberté Actus
qrcode:https://liberte-actus.fr/1620

Cet article est lisible à cette adresse sur le site Liberté Actus :

https://https://liberte-actus.fr/1620

Flachez le qrcode suivant pour retrouver l'article en ligne

UN Women/Ryan Brown - CC BY-NC-ND 2.0
Enjeux

Un système « moralement en faillite », l’ONU relance le débat sur l’architecture financière mondiale

Accès abonné
Mise à jour le 1er août 2025
Temps de lecture : 6 minutes

Mots -clé

ONU Finance

António Guterres, secrétaire général de l’ONU, a rappelé qu’il est urgent de « réformer l’architecture financière mondiale » dans son allocution prononcée lundi lors du Forum pour le développement durable. Une exigence qui n’en finit pas de monter, tant les mécanismes financiers actuels ne sont plus en phase avec la réalité et ne correspondent pas aux défis posés au monde.

Les voix qui en appellent à accélérer ces réformes sont de plus en plus nombreuses. Les mécanismes existants ont été confectionnés dans un tout autre monde. Le dirigeant des Nations unies rappelle d’ailleurs que « les pays qui ont le plus besoin du système n’étaient pas présents lors de sa création ».

Ce que Guterres exprime — avec le langage diplomatique de rigueur —, c’est son exaspération face à l’immobilisme d’un système taillé sur mesure pour servir les intérêts des économies riches.

Un déficit de financement mondial de 4 200 milliards de dollars

Guterres n’est pas seul dans ce combat. Bien au contraire. Les déclarations qui vont en ce sens sont de plus en plus nombreuses, à l’image du G77 et de la Chine qui, dans une résolution commune, évoquaient un « système moralement en faillite ». Nous sommes face à « un système financier mondial dépassé, dysfonctionnel et inéquitable » renchérit l’ONU. Et pour cause. La réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) est directement menacée par les crises et le déficit massif de financement.

Les Objectifs de développement durable (ODD), c’est quoi ?

Adoptés en 2015 par l’ONU, les Objectifs de développement durable (ODD) sont une feuille de route universelle pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour toutes et tous d’ici à 2030. Ils sont au nombre de 17, déclinés en 169 cibles concrètes, et concernent aussi bien l’industrie, le climat, la santé, l’éducation, le travail décent que l’égalité ou les inégalités.

Chaque pays est concerné, quel que soit son niveau de développement. Les ODD visent à intégrer les enjeux économiques, sociaux et environnementaux dans une même stratégie de transformation.

Quelques ODD emblématiques
ODD 1 Éradication de la pauvreté
ODD 8 Travail décent et croissance économique
ODD 8 Industrie, innovation et infrastructures, renforcer les chaînes de valeur locales, notamment dans les pays du Sud
ODD 10 Réduction des inégalités
ODD 13 Lutte contre le changement climatique
ODD 17 Coopérations internationales pour la réalisation des objectifs

Dix ans après leur adoption, les ODD accusent un retard considérable. Selon l’ONU, seulement 15 % des cibles sont en bonne voie d’être atteintes. En France, les lacunes sont notables sur la pauvreté, la décarbonation industrielle, les inégalités territoriales et l’accès aux services publics.

Mais malgré ces limites, les ODD restent un point d’appui stratégique pour de nombreux pays du Sud. Ils leur permettent de :

  • Demander des financements climatiques et technologiques
  • Revendiquer un droit au développement industriel
  • Mettre la pression sur les engagements internationaux des pays du Nord

Un problème martelé par Guterres, qui regrette que « sans financement à grande échelle, aucun progrès n’est possible ». Selon un rapport de l’ONU publié en 2024, le déficit de financement mondial annuel est estimé à 4 200 milliards de dollars, un record (+60 % depuis 2015). Concrètement, l’écart entre les sommes qui permettraient de parvenir à ces objectifs et les sommes réellement engagées n’en finit pas de se creuser.

Pire, près de la moitié de la population mondiale vit dans un pays où les dépenses liées à la dette sont plus élevées que celles dans la santé et l’éducation. Et c’est là que rentre en jeu « l’architecture financière mondiale » dont parle le dirigeant de l’ONU. Les coûts d’emprunts sont parfaitement inéquitables, pouvant aller de 1 à 4 % pour les économies « avancées » à près de 15 % pour les pays pauvres. Le FMI, censé stabiliser l’économie mondiale, continue d’imposer aux pays du Sud des logiques d’ajustement budgétaire et des taux d’emprunt qui rendent impossible toute planification industrielle ou sociale durable.

Le ton monte un peu partout

Alors, des pistes sont mises sur la table. L’allégement de la dette pour les pays vulnérables reste central, bien sûr. Mais cette « mesure » ne saurait se suffire à elle-même. Parmi les idées évoquées lors de nombreux sommets récents, on peut compter le triplement de la capacité de prêt des banques multilatérales de développement (Nouvelle banque de développement des BRICS, Banque africaine de développement, Banque mondiale, etc.) et une meilleure intégration des pays en développement dans la gouvernance économique mondiale. À titre d’exemples, les 54 pays du continent africain (près de 20 % de la population mondiale) détiennent moins de 6 % des droits de vote au FMI.

Face au sentiment de « stagnation » et au manque de volonté politique de quelques pays, des dispositifs alternatifs naissent petit à petit. Les coopérations régionales gagnent du terrain – notamment en Asie – tout comme les accords bilatéraux entre nations souvent exclues de facto de cette gouvernance.

Sur ce point, la décision prise par Pékin de supprimer l’ensemble de ses droits de douane pour les pays africains (et donc d’ouvrir entièrement son marché) fait d’ores et déjà date.

Reste une question : combien de temps les nations du Sud accepteront-elles un système qui les traite comme des variables d’ajustement ? La réforme ne viendra sans doute pas d’en haut. Elle pourrait bien émerger des marges, là où s’inventent déjà d’autres formes de coopération économique — plus égalitaires, plus souveraines, et débarrassées du fardeau du dollar.

Message d'abonnement

Ces articles peuvent vous intéresser :

Explications Pourquoi le coût de la dette publique explose ?

L’État ne fait pas que s’endetter, il doit financer son endettement et ça nous coûte de plus en plus cher. La « charge » de la dette, c’est la somme des intérêts que l’État doit payer à ses créanciers chaque année. En 2024, elle s’élevait à 59 milliards d’euros et elle est estimée à 67 milliards d’euros pour 2025. Une hausse de 13,5 %.

Soutenez-nous

Faire un don

En 2024, nous avons bâti un journal unique où les analyses se mêlent à l’actualité, où le récit se mêle au reportage, où la culture se mêle aux questions industrielles et internationales. Faites un don pour continuer l’aventure.