Les ennuis de l’entreprise, créée il y a 200 ans à Arques (elle est née en 1825 avant de devenir la Verrerie Cristallerie d’Arques en 1892), n’en finissent pas depuis une dizaine d’années. Mais ces derniers mois, son avenir était devenu très incertain en fonction des décisions qui seraient prises. Malgré les différentes interventions de l’État, et le passage de l’entreprise sous le giron américain en 2015 (lorsqu’elle a été reprise par Dick Cashin, PDG de l’ex-fonds de JP Morgan, One Equity Partners), le géant verrier devenu Arc France avait accumulé une dette de 380 millions d’euros. Une conséquence de la baisse des marchés.
Un long processus depuis 6 mois
Nous vous en parlions

Pour continuer à fonctionner, l’entreprise avait absolument besoin d’une recapitalisation. Le dossier a été travaillé à partir de juin 2024 et devait être validé le 18 décembre. Les choses se sont révélées plus compliquées.
Un premier projet a été porté par Timothée Durand. Petit-fils du patron emblématique Jacques Durand (décédé en 1997), il occupait encore un poste de direction jusqu’à l’été dernier. Un fonds d’investissement était également sur les rangs et l’entreprise recherchait un nouveau prêt à hauteur de 70 millions d’euros. Dick Cashin, le dirigeant américain, amenant lui aussi 5 millions d’euros. Le fonds a finalement retiré son offre et un autre, britannique, s’est présenté avec une offre de 40 millions d’euros, en fait un prêt assorti d’un taux énorme de 15 % et d’une exigence d’entrée au capital.
Finalement, la dernière offre est connue officiellement depuis ce mardi (en réunion de comité social d’entreprise extraordinaire). Présentée ce mercredi 8 janvier, acceptée par le tribunal de commerce, et présentée officiellement par le ministre de l’Industrie sur le site historique d’Arques, porte sur les points suivants :
- Un nouveau prêt de l’État de 30 millions d’euros à un taux de 9 % et à échéance de décembre 2028.
- Un apport de Dick Cashin de 12 millions d’euros.
- Deux nouveaux actionnaires, Pascal Cagni et Patrick Molis investissent chacun 15 millions d’euros.
Par ailleurs, l’État prévoit d’effacer 120 millions de dettes en deux temps. D’abord 40 millions, puis, dans un second temps, 80 millions en fonction des résultats de l’entreprise. Il faut comprendre que ces 80 millions ne seront pas effacés si les résultats de l’entreprise repartent.
On notera aussi que Bercy a choisi de se tourner vers deux investisseurs proches d’Emmanuel Macron, dont Pascal Cagni, actuellement président de Business France, une société publique qui accompagne le développement des PME, et ex-dirigeant d’Apple en Europe. Tous deux seront actionnaires minoritaires d’Arc France, le contrôle de l’entreprise étant conservé par Dick Cashin. À l’évidence, l’État ne souhaite pas le retour de la famille Durand.
Du chômage évité
Selon les syndicats CGT et CGC, Dick Cashin (qui a injecté 200 millions d’euros depuis la reprise en 2015) effacerait aussi une dette à hauteur de 65 millions d’euros.
Reste à savoir ce qu’il va se passer sur le plan de l’emploi. Des rumeurs couraient selon lesquelles un PSE supprimerait 600 emplois. Elle est démentie par les syndicats. En fait, il y a bien un sureffectif de 500 salariés, toujours en raison de la baisse des marchés du verre et de la production. S’il n’y a pas de reprise importante de l’activité, ce sureffectif devrait se résorber à l’issue des deux prochaines années par le biais de départs volontaires, de départs en retraites et de l’assèchement des contrats intérimaires.
Quoi qu’il en soit, le plan qui vient d’être validé donne un nouveau souffle à Arc France alors qu’un dispositif partiel de longue durée (APLD), permettant du chômage technique en maintenant les salaires, a été exceptionnellement prolongé jusqu’au 31 décembre 2024. 10% des salariés sont concernés depuis quatre ans. A partir de janvier, il était prévu 5 jours par mois de chômage technique, avec une baisse de revenus substantielle.
Il y a deux ans, alors qu’il était député, Fabien Roussel avait proposé de transformer la créance publique en participation de l’État au capital. Cela aurait eu l’avantage de désendetter l’entreprise et de lui permettre d’emprunter à nouveau, et à un taux normal, auprès des banques. L’élu communiste n’a pas été entendu. Il faut espérer que la solution apportée aujourd’hui produira ses fruits. Arc France emploie actuellement 3 957 salariés. Ils étaient 4 800 en 2003 et 5 800 il y a cinq ans.