Nous pourrions aligner les chiffres pour s’en convaincre. Ils convergent tous vers une même conclusion : Berlin voit rouge. Les indicateurs manufacturiers sont en recul ; les faillites d’entreprises ont bondi depuis le début de l’année ; le chômage est attendu à 6,3 % ; et les prix de l’énergie restent plus élevés que jamais.
La sidérurgie démantelée ?
Dans la sidérurgie, secteur historique et symbole de la puissance industrielle du pays, les nouvelles ne sont pas meilleures qu’en France. ThyssenKrupp, fleuron national de la production d’acier, est en proie à un véritable démantèlement. De multiples cessions ont été annoncées, des branches entières sont vendues à la découpe, et les commandes reculent de 5,5 % sur le deuxième trimestre 2025.
En parallèle, le groupe prévoit de supprimer 11 000 postes d’ici à 2030 dans son activité sidérurgique (près de 40 % de ses effectifs). Les salaires sont revus à la baisse, les primes rabotées, et les capacités réduites : de 11,5 à 8,7 millions de tonnes par an. Plus globalement, la production d’acier en Allemagne est tombée à 2,7 millions de tonnes en juin dernier, soit une baisse de 16 % sur un an — son plus bas niveau depuis 2009.
Des sous-traitants automobiles décimés
Autre pilier du « Made in Germany », la filière automobile traverse une crise jamais vue jusqu’ici. Volkswagen va supprimer 35 000 emplois d’ici à 2030. Porsche, propriété du groupe, a vu ses bénéfices plonger de 91 % au deuxième trimestre.
Mais les difficultés ne se limitent pas au géant de Wolfsburg. Tous les constructeurs historiques et tous les sous-traitants sont touchés. En cinq ans, le prix moyen des véhicules neufs a bondi de 40 %, leur accessibilité a reculé de 11 %, et le marché allemand a vu ses ventes chuter de 4,7 % au premier semestre 2025.
Entre 2019 et 2023, l’industrie automobile a perdu 46 000 emplois, et pourrait en perdre 140 000 supplémentaires d’ici à 2035 si la tendance se prolonge — soit près d’un emploi sur quatre du secteur. Les équipementiers comme Bosch (-5 500 emplois), ZF Friedrichshafen (-11 200 depuis 2024), Continental (-10 000 suppressions prévues sur 2024-2025), mais aussi des centaines de PME du Mittelstand, ferment leurs usines.
La chimie s’en va aux États-Unis
Troisième secteur industriel du pays, l’industrie chimique n’échappe pas à la tempête. BASF a annoncé la suppression de plus de 2 000 postes à Ludwigshafen. Covestro réduit aussi ses effectifs, tandis que le fournisseur américain Dow ferme plusieurs usines dans l’ex-Allemagne de l’Est (Böhlen, Schkopau, Leuna).
Autre signe de ce déclin : les investissements se déplacent largement vers les États-Unis. Près de 6,5 milliards d’euros devraient être réorientés outre-Atlantique dans les trois prochaines années, attirés par l’énergie bon marché et les aides publiques massives prévues par l’Inflation Reduction Act.