Le « jour de la libération » est arrivé pour Washington. Au programme, des droits de douane plancher, des surtaxes spécifiques par pays et par secteur d’activité, ainsi qu’une charge contre le commerce maritime. Dans le détail, une taxe de 10 % sera appliquée à toutes les importations aux États-Unis, indépendamment de leur origine, dès cette semaine. En plus, des surtaxes spécifiques sont mises en place :
Taxes supplémentaires appliquées | |
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20 % | pour l’Union européenne |
34 % | pour la Chine |
46 % | pour le Vietnam |
24 % | pour le Japon |
25 % | pour la Corée du Sud |
26 % | pour l’Inde |
31 % | pour la Suisse |
10 % | pour le Royaume-Uni |
En parallèle, une surtaxe de 25 % est entrée en vigueur sur les voitures importées tandis que les pièces détachées automobiles seront taxées à partir du 3 mai.
Voilà pour le bilan. Qu’en tirer comme conclusion ? D’abord que cette politique tarifaire devrait entraîner une inflation dantesque aux États-Unis.
Flambée des prix et appauvrissement
Les produits qui seront achetés par les consommateurs américains auront été, durant toutes les étapes de leur fabrication, taxés, surtaxés et sur-surtaxés. Les voitures pourraient voir leur prix augmenter de 3 à 6 000 $ immédiatement. Les effets en cascade sont dantesques, eux aussi. Baisse drastique de la croissance économique, hausse des taux d’intérêts, peut-être une hausse du dollar et donc une baisse des exportations… les guerres commerciales n’ont décidément pas de vainqueur.
Les raisons de cette attaque d’envergure ne sont pas toutes connues. Mais nous avons quelques indications. La base industrielle des États-Unis est très faible, symbole du déclin progressif de sa puissance. Le secteur manufacturier ne contribue qu’à 11 % du PIB américain (contre 28 % en 1953) et leur balance commerciale est largement déficitaire, de -147,91 Md$ en février 2025, après un record de -155,6 Md$ en janvier sur les biens industriels.
Enrayer le déclin
Nul doute que la guerre en Ukraine a fait office de déclic pour Washington. Les États-Unis ont perdu la guerre industrielle. Alors, dans la continuité de Joe Biden et de son Inflation Reduction Act (IRA), Donald Trump fait le pari de la guerre commerciale et des taxes tous azimuts pour attirer les industriels sur le sol américain. Pari risqué pour certains, jour de libération pour d’autres, guerre aux travailleurs de tous les pays certainement.
L’autre indication laissée par les différentes administrations états-uniennes : les droits de douane restent leur principal levier pour engager un rapport de force diplomatique. C’est ainsi que D. Trump pouvait, en 2024, promettre une « avalanche de droits de douane » aux pays qui s’engageraient dans une dynamique de dédollarisation aux côtés des BRICS+. C’est ainsi, enfin, qu’il menace d’imposer des droits de douane à ceux qui achètent du pétrole vénézuélien et russe.
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Si Washington espère enrayer son déclin en mettant la planète sens dessus dessous, l’émergence de nouveaux pôles d’attraction économiques pourrait avoir raison de cette rhétorique. Nous ne sommes plus au XXe siècle. Les premières victimes de ces taxes opèrent déjà un rapprochement avec d’autres marchés – pensons à l’accord de libre-échange réengagé entre la Chine, le Japon et la Corée du Sud. De son côté, l’Union européenne – puisqu’elle est seule compétente en matière commerciale – envisage des mesures de rétorsion sur les services (numériques notamment) américains.