Si la France avait connu sa pire récolte depuis 40 ans en 2024, avec seulement 26,3 millions de tonnes produites (baisse de 24 % par rapport à la moyenne 2019-2023), la saison 2025 marque un retour à la normale. Les dernières estimations tablent sur une récolte de 33,4 millions de tonnes cette année. Mais cet heureux rebond aura du mal à cacher les difficultés du secteur à l’export.
Les volumes d’exportation vers les pays tiers ont drastiquement chuté ces dernières années, passant de 10 à 12 millions de tonnes à seulement 3,5 millions de tonnes en 2024-2025. Une baisse de plus de 60 %. Pour la campagne 2025-2026, les prévisions restent modestes avec moins de 8 millions de tonnes attendues, bien loin du tonnage nécessaire pour équilibrer la balance commerciale agricole. Un problème d’envergure pour la France, qui reste le premier producteur européen de blé tendre et historiquement le troisième exportateur mondial.
Algérie, Chine, des débouchés disparus
L’Algérie, historiquement premier client du blé français (30 à 50 % des exportations), a pratiquement fermé ses portes depuis 2023 pour des raisons diplomatiques. Alger opère depuis cinq ans une diversification très rapide de ses importations de blé, préférant désormais les productions russes aux productions françaises. Et pour cause. Moscou a consolidé sa position de premier exportateur mondial avec des prix très compétitifs, malgré les sanctions occidentales, le tout adossé à une volonté de « désoccidentaliser » des marchés très sensibles comme celui des céréales.
Autre débouché en voie de disparition : la Chine. Chacun sait que la souveraineté alimentaire est l’une des obsessions des autorités chinoises. En captant plus de 10 % des exportations françaises ces dernières années, Pékin était devenu un débouché central. Mais là aussi, l’effort de diversification couplé aux bonnes récoltes nationales lui permettent de réduire drastiquement les importations françaises. Pour 2025-2026, seules 500 000 tonnes sont prévues, contre plusieurs millions les années précédentes.
Si de nouveaux contrats ont été signés avec d’importants importateurs de blé comme l’Égypte, ils sont aussi en net recul sur les dernières années. Pour plusieurs raisons. Le Caire s’approvisionne désormais principalement en blé russe, moins cher et avec une teneur en protéines adaptée aux besoins que la France peine à satisfaire. Même problème en Afrique de l’Ouest où les teneurs en protéines requises (autour de 12 %) ne collent pas à la récolte française, estimée plutôt autour de 11 % en 2025.
Les infrastructures et les voies commerciales en ligne de mire
La bonne récolte de cette année peut a priori rassurer les producteurs, mais en trompe-l’œil. Car en plus de l’aspect qualitatif de la récolte (teneur en protéine notamment), la guerre des prix s’accélère. Depuis 2022, les coûts de l’énergie et des matières premières ont explosé, au point de ne plus permettre aux producteurs d’atteindre le seuil de rentabilité. Le coût de production moyen du blé tendre est estimé à 200 €/t pour 2025, alors que les prix de vente oscillent autour de 193 €/t. D’après les estimations des associations patronales du secteur, les coûts totaux ont augmenté de 43 % en moyenne, avec des augmentations encore plus élevées pour des produits comme l’engrais azoté qui sont passés de 300 €/ha à 600 €/ha en quelques années.
Un problème doublé d’un retard important sur les autres pays exportateurs en matière de logistique commerciale. En France, 84 % du blé est transporté par voie routière, ce qui rend le secteur très dépendant des prix du carburant, là où les concurrents développent des systèmes multimodaux en reliant par voie ferrée et fluviale les productions aux ports d’exportation.
Si la France possède une production conséquente et reconnue ainsi qu’une position géographique favorable aux exportations, elle va devoir faire face à des stocks inédits depuis plusieurs décennies ; tout en trouvant de nouveaux débouchés dans le monde.