C’est un nouveau record, après ceux de 2023 (270 milliards d’euros) et de 2024 (285 milliards d’euros).
Pourquoi de tels montants ?
L’essentiel de ce montant vise à faire « rouler la dette », c’est-à-dire souscrire de nouveaux emprunts pour rembourser les emprunts passés arrivant à échéance. En 2024, 172 milliards d’euros d’emprunts de long terme devaient être remboursés. Il a fallu souscrire de nouveaux emprunts pour rembourser ces sommes. Ce seront 205 milliards en 2025 et un peu moins de 192 milliards en 2026.
La durée moyenne des emprunts de l’État français sur les marchés étant d’environ 9 ans, il faut rembourser chaque année de l’ordre de 10 % de la dette totale, et donc réemprunter la même somme pour cela.
Le deuxième motif d’emprunt pour l’État est, bien sûr, de couvrir le déficit annuel du budget, qui s’est élevé en 2024 à 164 milliards d’euros. Pour assurer l’équilibre entre le besoin de financement de l’État et les emprunts à long terme (plus de 2 ans), l’Agence France Trésor utilise des emprunts à court terme, appelés les « Bons du Trésor ».
Qui est à la manœuvre ?
La dette de l’État s’élevait à 2 605 milliards d’euros au 30 novembre dernier (il faut ajouter, pour obtenir ce qu’on appelle la « dette publique totale », les dettes des collectivités locales et celles de la Sécurité sociale). Qui juge, et en fonction de quels critères, qu’une dette est élevée ou pas ?
L’UE met la France en procédure
Le premier critère vient des traités européens, dont les institutions de Bruxelles sont le principal gardien. Celles-ci exigent que l’ensemble de la dette publique de chaque État de la zone Europe ne dépasse pas 60 % du produit intérieur brut. 12 pays sur les 27 membres de l’UE respectent ce critère en 2024 et 6 pays, dont la France, ont une dette publique supérieure à 90 % du PIB. On pourrait juger que, le péché étant largement commis, il devient véniel. Cependant, les conséquences politiques de ces critères sont bien réelles.
Le 26 juillet dernier, le Conseil de l’Union européenne a décidé, sur proposition de la commission et à la majorité qualifiée (c’est-à-dire sans possibilité de veto des pays concernés) de placer 8 pays de l’UE dans la procédure de « déficit excessif ». Cette procédure donne à la commission européenne un droit de regard sur la politique économique, sociale et budgétaire de la France. Avant même que le budget 2025 soit voté, le gouvernement français a ainsi engagé la parole de la France sur 60 milliards d’euros de réduction de dépenses budgétaires. Cet engagement est toujours en vigueur, malgré la censure de Barnier, et tout gouvernement qui voudrait s’en dédire serait exposé à de brutales représailles de la commission européenne et des marchés financiers.
Des agences de notations plus politiques que scientifiques
Le second critère vient des avis rendus par les agences de notation financière : le fonctionnement des marchés financiers, les décisions des financeurs (banques, fonds d’investissement ...) de prêter ou pas (et à quel taux) de l’argent s’appuient largement sur les avis émis par une poignée d’agences, dont : Fitch, Moody’s, Standard & Poor’s…
Ces agences sont donc dotées d’un large pouvoir d’influence, dont l’expérience a montré le caractère peu scientifique. Ces agences avaient ainsi toutes validé les pratiques douteuses des banques des USA à l’origine de la crise financière de 2008.
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En revanche, ces agences ne se privent jamais d’émettre des jugements politiques. Ainsi, dans son dernier avis sur la note de la France, l’agence Moody’s établit qu’une amélioration de la note nécessitera « l’annonce d’une stratégie budgétaire crédible à moyen terme qui réduise progressivement les déficits, avec un soutien politique solide » et que le principal risque d’une dégradation provient d’un éventuel « revirement des réformes mises en œuvre depuis 2017, telles que la libéralisation du marché du travail et la réforme des retraites », qui « serait négatif pour le crédit si nous devions déterminer que ce choix politique aurait des implications matériellement négatives à moyen terme pour le potentiel de croissance et/ou la trajectoire budgétaire de la France. »
On ne saurait être plus clair : ces agences évaluent moins la réalité de la solvabilité d’un emprunteur que la conformité des politiques menées aux intérêts du capital. La croissance de la dette ne fait que renforcer leur poids politique.
Les marchés financiers se remplissent les poches
Le taux exigé par les marchés financiers pour financer la dette de l’État est l’ultime critère, dont les investisseurs eux-mêmes sont les décideurs. Là encore, c’est de politique davantage que d’économie dont il s’agit.
Les investisseurs comparent les politiques des différents États et les taux pratiqués sont différents. Dès lors qu’un consensus se crée sur la fragilité d’un État, l’effet moutonnier des marchés engendre d’énormes mouvements de capitaux. Un préteur qui irait à l’encontre du mouvement général risque d’énormes pertes.
À l’inverse, celui qui parie au bon moment sur une attaque financière peut gagner des milliards. Des coalitions de préteurs, appuyées par de puissants fonds d’investissement, peuvent en quelques semaines « mettre sous pression » un pays et l’acculer à une forte hausse de ses taux, rendant la situation rapidement critique.