Mais dans le cadre du capitalisme numérique, cette promesse s’est surtout traduite par une spéculation effrénée : levées de fonds massives, valorisations déconnectées de la production, annonces spectaculaires… souvent sans réelle utilité économique.
Des promesses immenses mais peu de résultats
La réalité est plus nuancée. Une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) montre que 95 % des projets d’IA générative n’apportent aucun retour sur investissement mesurable. Les coûts liés aux infrastructures (puces, data centers), aux talents rares et à l’intégration dépassent largement les bénéfices. La comparaison avec la bulle Internet des années 2000 s’impose : emballement médiatique, dépendance à quelques géants, promesses non tenues.
Le lancement de GPT-5 a renforcé ce sentiment. Loin d’être la rupture attendue, il a révélé les limites actuelles de la technologie et souligné le poids du battage marketing dans la dynamique boursière. Même Sam Altman, patron d’OpenAI, admet à demi-mot que nous sommes entrés dans une bulle où « certains vont perdre des sommes colossales ».
Mais une nouveauté vient bousculer ce paysage. DeepSeek, acteur chinois de l’IA, a choisi de mettre gratuitement à disposition son modèle. Ce geste marque une rupture avec la logique fermée et spéculative des géants occidentaux. Là où OpenAI ou Anthropic monétisent chaque usage pour nourrir des valorisations financières, DeepSeek parie sur la diffusion massive et l’usage collectif. Cette ouverture fragilise le modèle économique des firmes américaines, révèle la fragilité de leurs stratégies de rente et illustre la possibilité d’un autre rapport à l’innovation.
Vers une IA comme bien commun ?
La crise actuelle est le symptôme d’un capitalisme numérique dominé par la concentration, la spéculation et le court-termisme, plutôt que par une vision stratégique de long terme. Comme pour les start-up des années 2000 dans la frénésie d’internet, l’IA ne disparaîtra pas avec l’éclatement de la bulle : les usages viables émergeront, mais débarrassés du voile spéculatif.
L’enjeu n’est pas de céder à la fascination ou au rejet, mais de recentrer l’innovation sur la valeur réelle. Privilégier les applications concrètes et mesurables, utiliser l’IA pour alléger la peine des hommes et rendre plus performante la production, et construire une gouvernance de la technologie qui serve l’intérêt général plutôt que la seule logique des marchés.
La véritable révolution de l’IA commencera certainement après la déflation de la bulle spéculative. Elle a d’ailleurs déjà débuté en Chine, où l’IA est encadrée pour répondre à des objectifs de développement. Planifiée, elle est loin de l’anarchie privée occidentale.
La décision de DeepSeek de diffuser librement son modèle en est un signe éclatant. L’IA peut être conçue comme un bien commun, au service de la société, plutôt que comme un simple produit financier destiné à nourrir la valorisation boursière.