« La dette d’État c’est-à-dire l’aliénation de l’État — qu’il soit despotique, constitutionnel ou républicain — marque de son empreinte l’ère capitaliste. La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui soit effectivement détenue globalement par les peuples modernes est… leur dette publique. » (L.I, chap. XXIV)
L’accumulation initiale entre violence, colonies et crédit public
Après avoir exposé le secret du profit capitaliste — faire de l’argent avec de l’argent —, c’est-à-dire en vérité l’exploitation du travailleur salarié, Marx explique par quelle magie des gens se sont retrouvés propriétaires d’un capital initial à investir dans l’industrie. C’est le secret de l’accumulation initiale : expropriation de la population rurale, colonies, dette publique, impôts et protectionnisme.
Marx résume les choses ainsi :
« À la fin du XVIIIe siècle, en Angleterre, [les différents moments de l’accumulation initiale] sont tous rassemblés en une sorte de résumé systématique dans un système colonial, un système de la dette publique, et un système moderne d’imposition et de protection douanière. Ces méthodes reposent en partie sur la violence la plus brutale (…), mais toutes utilisent le pouvoir d’État (…) pour activer artificiellement le procès de transformation du mode de production féodal en mode de production capitaliste et pour en abréger les transitions. »
Vous comprenez facilement comment l’expropriation des paysans et le système colonial ont permis d’accumuler du capital par la violence. Pour Marx, l’endettement d’État est une autre méthode : « La Dette Publique devient l’un des leviers les plus énergiques de l’accumulation initiale. »
Impôts du peuple, profits des banques
En fait, la dette publique permet de créer et d’enrichir une classe de financiers parasitaire (via les intérêts qui leur sont versés par l’État). Les financiers jouent les intermédiaires entre le gouvernement et la nation, se servent au passage, mais ne donnent ni ne créent rien, puisque les sommes qu’ils prêtent à l’État deviennent des obligations qui fonctionnent comme des liquidités.
D’où vient l’argent avec lequel l’État peut payer les financiers auprès desquels il emprunte ? Il vient de l’imposition du peuple travailleur. Plus l’État s’endette, plus les banques s’enrichissent. Ce système est particulièrement efficace, renforcé par les droits de douane et les guerres commerciales, pour exproprier les indépendants, artisans, paysans, etc.
L’endettement de l’État n’est pas un accident, c’est un principe incontournable de l’accumulation capitaliste. C’est d’autant plus évident aujourd’hui où la financiarisation de l’économie a nettement progressé, tout comme la dette publique, à des niveaux jamais atteints.
Devant nous, la perspective historique est celle de l’appropriation sociale et collective de ces formidables capacités de financement : en expropriant les expropriateurs. Cela revient à ce que les avances d’argent soient le fait des travailleurs et pour satisfaire leurs besoins (nationalisation des banques). Dans le cas contraire, une part toujours plus grande des impôts payés par les travailleurs continuera de finir dans les poches des financiers.