Lors de ses vœux aux armées pour l’année 2024, E. Macron a exhorté les acteurs du secteur de l’armement à ne « plus jamais se satisfaire de délais de production qui s’étalent sur plusieurs années » et à développer une capacité de production « plus rapide et plus forte » ; le tout en dénonçant une « forme d’engourdissement satisfait » qui aurait gagné le secteur depuis des années.
Un passage impossible ?
Ce concept n’est pas nouveau dans la bouche du président de la République. En juin 2022, déjà, à l’occasion de l’inauguration du salon d’Eurosatory, il lançait le terme d’économie de guerre. Toutefois, il semblerait que les réalités industrielles et économiques du pays ne soient pas des plus propices à cette accélération productive. Si la loi de Programmation militaire 2024-2030 signait une augmentation significative du budget de l’État en la matière, force est de constater qu’il ne suffit pas d’aligner le pognon.
Au-delà des autres reproches à formuler au sujet de cette volonté peu louable du chef de l’État, la question de la faisabilité est soulevée. Produire plus et plus vite suppose des capacités humaines et technologiques que les dirigeants occidentaux se sont employés à détruire depuis des décennies, cela suppose des outils qu’ils ont préféré délocaliser. Contradictions poussées au paroxysme, l’inflation elle-même met en difficulté le secteur et freine les rêveurs belliqueux.
Un rêve non assouvi
C’est toute une conception de la défense nationale qui est pointée du doigt. D’abord le manque de discussions publiques et parlementaires sur le sujet, mais aussi l’inefficience du système économique présent.
La philosophie du « en même temps » semble toucher à ses limites. Alors que la France, du fait de sa position originale dans le monde, devrait tout mettre en œuvre pour construire la paix, voilà que ses dirigeants rêvent d’une économie de guerre. Dont acte. Le plus cynique y verra l’interminable discussion sur le sexe des anges.
Selon plusieurs acteurs du secteur, nous serions « plus proches de l’artisanat que de la production de masse ». Mettre en branle toute une industrie prend du temps et se planifie, c’est ce que semblent avoir oublié les chantres de l’intégration européenne et de la protection étasunienne.
Parallèlement, les travailleurs du secteur dénoncent d’ores et déjà les conditions de travail dans lesquelles ils se trouvent plongés avec ces nouvelles cadences. Le 1ᵉʳ février dernier, une grève se déclarait aux Forges de Tarbes, où les salariés produisent à « plein régime » avec un matériel « vétuste ».