La politique commerciale des États-Unis a d’ores et déjà de nombreuses répercussions. Nombre d’entre elles ont été traitées dans Liberté Actus : hausse des prix, ralentissement de la croissance mondiale, ruptures des chaînes d’approvisionnement, fermetures ou délocalisations d’usines. Mais à plus long terme, ces mécanismes protectionnistes pourraient bien accélérer la recomposition économique du monde — au détriment de Washington.
Des prix en hausse, partout
L’articulation est finalement assez simple. À très court terme, les droits de douane ont un effet inflationniste. Les prix augmentent, partout. La presse américaine rapporte par exemple qu’un avis du ministère du Commerce, paru ce 16 juin, confirme que les taxes de Donald Trump s’appliqueront aussi aux appareils ménagers contenant de l’acier. Très concrètement, les machines à laver et autres réfrigérateurs seront taxés à 50 % sur la quantité d’acier qu’ils contiennent, dès le 23 juin. C’est un exemple parmi d’autres.
Mais au-delà des produits finis, c’est toute la chaîne de production qui est affectée. Une taxe sur l’acier ou l’aluminium entraîne une hausse du coût de fabrication de tout ce qui en contient : automobiles, machines-outils, électroménager. Il en va de même pour tous les matériaux industriels, comme le plastique.
À moyen et long terme, les effets pourraient être encore plus préoccupants. La hausse des prix combinée à l’incertitude politique risque de freiner l’investissement. La croissance pourrait alors ralentir. Dans un scénario évoqué par plusieurs analystes, le PIB américain pourrait reculer. C’est la récession : une baisse durable de l’activité économique. Notons que l’Allemagne connaît cette situation depuis deux ans.
Stagflation, « le pire environnement possible »
Une combinaison inquiétante entre hausse des prix et ralentissement de la croissance économique mènerait à ce que Luis da Silva, ancien vice-Ministre des Finances du Brésil, qualifie de « pire environnement économique possible » : la stagflation. Et pour cause. Cette situation n’est pas censée se produire.
Quand les prix montent trop vite (inflation), la banque centrale augmente ses taux directeurs pour rendre le crédit plus cher, ralentir la demande et donc calmer la hausse des prix. En théorie, comme il est plus cher d’emprunter (prêt immobilier, prêt à la consommation, crédits d’entreprise), les ménages et entreprises dépensent moins, investissent moins et donc la demande diminue, ce qui freine la hausse des prix.
C’est quoi un taux directeur ?
Le taux directeur est le taux d’intérêt fixé par une banque centrale (comme la Réserve fédérale aux États-Unis ou la BCE en Europe). Il sert de référence pour le coût de l’argent dans l’économie.
Quand une banque emprunte de l’argent à la banque centrale, elle le paie à ce taux. Si le taux est élevé, les crédits coûtent plus cher pour les banques… et donc pour les ménages et les entreprises. Si le taux est bas, emprunter coûte moins cher.
À l’inverse, quand l’économie ralentit (récession), les banques centrales baissent leurs taux directeurs pour encourager les dépenses et soutenir l’activité. En théorie, comme les crédits coûtent moins cher, les ménages peuvent emprunter pour consommer, les entreprises pour investir et la demande repart.
Mais quand il y a à la fois inflation et récession, que faut-il faire ? Augmenter les taux ? Les baisser ? Un cauchemar pour bien des économistes. Alors, en règle générale, on attend. On attend de voir ce qui prendra le pli entre l’inflation et la récession avant de choisir. C’est là que s’installe la stagflation
À lire aussi

Le moment de bâtir autre chose
C’est l’un des arguments que porte la Chine contre la guerre commerciale. Au-delà de la hausse des coûts et du ralentissement global ; peut-on vraiment se payer le « luxe » d’attendre ? Peut-on entrer dans une phase d’hésitation et d’incertitude au risque de compromettre des priorités mondiales, communes à tous les peuples, à l’image du développement social ou de l’action climatique ? Certainement pas.
Et c’est précisément là que les pays du Sud tentent de dresser un tableau autrement plus positif. Cette situation accélère la réorganisation du commerce mondial autour de nouveaux pôles de coopération. La perte de confiance dans le dollar et le Trésor américain amène des investisseurs vers d’autres pays – pensons à l’Asie du Sud-Est. Les flux de capitaux changent. Les échanges en monnaie locale se multiplient, au grand dam du dollar. Loin de la logique de chantage systématique imposée par Washington, cette recomposition ouvre la voie à des projets partagés — pour la transition écologique, pour le développement industriel, pour la sécurisation des chaînes d’approvisionnement, etc.
Décidément, il ne tient qu’à la France de saisir ces opportunités.