Cette décision ne tombe pas du ciel. Pour comprendre le virage actuel, il faut revenir sur la scission opérée par Renault ces dernières années.
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Comprendre la séparation de Renault
Dès 2021, le constructeur français avait annoncé son intention de se scinder en deux. D’un côté, une entité dédiée aux véhicules électriques et aux logiciels (Ampère) et, de l’autre, une entité dédiée aux moteurs thermiques et hybrides (Horse). Renault disait alors que la séparation serait « chirurgicale ».
Dès 2022, les filiales commencent à se constituer, les premiers transferts sont effectués et les sites comme les salariés doivent s’adapter à la nouvelle machinerie financière. En 2023, l’entité Horse est officiellement créée sous la forme d’une coentreprise internationale avec le groupe chinois Geely. Elle regroupe 9 000 ex-employés Renault et 8 usines. Quelques mois plus tard, Ampère voit le jour à son tour, sous la forme d’une société par actions simplifiée (SAS), avec onze implantations françaises dont le site de Cléon, spécialisé dans les moteurs électriques et l’électronique de puissance.
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Un montage financier d’une complexité déconcertante. L’État français reste actionnaire de Renault et conserve des droits protecteurs dans Horse ; Renault garde le contrôle d’Ampère, mais compte sur Nissan et Mitsubishi pour investir dedans.
Un pari boursier devenu un casse-tête industriel
La démarche n’avait rien – ou pas grand-chose – d’industriel. Les syndicats avaient immédiatement dénoncé l’hérésie de cette séparation, d’autant plus en pleine turbulence du secteur automobile mondial. Car l’objectif affiché de Luca de Meo, alors PDG du groupe, était de faire coter Ampère en Bourse, en parallèle de la maison mère, afin de lever des fonds pour financer l’innovation.
Le « découpage chirurgical » a en réalité rendu plus compliquée la coordination des flux logistiques et la montée en cadence des usines, avec des chaînes de décision éclatées entre deux entités interdépendantes. Concrètement, les équipes, la R&D et les usines restent séparées alors qu’elles travaillent sur les modèles d’une même marque, électriques comme hybrides ou thermiques. Selon plusieurs sources, « déshabiller Renault pour habiller Ampère s’est révélé être un casse-tête sans fin ».
Une stratégie en décalage complet avec celle des constructeurs chinois ou de Tesla, qui cherchent à maîtriser un maximum d’étapes de la production. Renault, lui, s’est lancé dans l’éparpillement de sa chaîne de valeur.
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Voilà pourquoi le nouveau dirigeant fait machine arrière. Une réintégration complète d’Ampère dans la maison mère n’est pas à exclure dans les années qui viennent. L’avenir du groupe semble davantage reposer sur des coopérations internationales et des coentreprises technologiques (notamment avec Geely), ainsi que sur une intégration plus cohérente de sa propre chaîne de valeur.