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À Douvrin et à Poissy

Les salariés de Stellantis s’organisent contre la fermeture de leurs sites

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Mise à jour le 18 avril 2025
Temps de lecture : 5 minutes

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Industrie Automobile Stellantis CGT Social

« Politique de l’autruche ». C’est ainsi que la CGT de Stellantis, à Douvrin (Pas-de-Calais) qualifie l’attitude de leur direction. Pour les salariés, tous les signes avant-coureurs d’une fermeture prochaine sont présents. Le groupe nie les faits.

Le 30 mai 2023, tandis que l’ensemble des patrons de Stellantis, de la future gigafactory ACC, entourés de plusieurs ministres, annonçaient un avenir radieux pour l’automobile régionale et, surtout, la grande entreprise de fabrication de batteries électriques pour ce secteur, les salariés et les élus locaux défilaient dans le centre de Douvrin. Cet avenir, ils ne le voyaient pas radieux, ils ne le voyaient tout simplement pas. Deux ans plus tard, la réalité leur donne raison.

Sur l’ancien site de la Française de Mécanique (FM), fleuron des années 70 lorsque l’automobile venait prendre le relais des mines pour permettre à la région de rebondir industriellement, c’est l’entreprise Stellantis qui fabrique désormais des moteurs. Mais plus pour très longtemps. En 2024, la production a baissé de moitié en un an : 800 moteurs EB (3 cylindres pure tech) et 250 moteurs diesel.

Un mouvement qui se renforce

Ce n’est pas tout. « Il n’y a plus d’investissements, il n’y a plus de projets », constate Régis Scheenaerts, secrétaire du syndicat CGT de Stellantis Douvrin. Pour lui, on assiste à une « fermeture progressive de l’usine », mais la direction refuse de le reconnaître et « s’enfonce dans le déni ». À Poissy, où Stellantis fabrique des véhicules, il n’y a pas de perspectives au-delà de 2028, date à laquelle le site aura produit sa dernière Opel Mokka.

À Douvrin, jeudi 3 avril, une centaine de salariés ont débrayé deux heures et se sont réunis devant l’usine pour demander des comptes et poser des revendications dans la perspective d’une cessation d’activité. Un autre mouvement avait eu lieu le 3 mars. Ils étaient 40. Le mouvement se renforce donc. Tous les salariés qui se mobilisent ne sont pas cartés à la CGT et ce n’est pas le syndicat qui est à l’initiative du rassemblement. «  Nous les accompagnons », dit Régis Scheenaerts.

Les autres syndicats sont absents et résignés. La CFDT n’est plus représentative depuis les dernières élections. FO, la CFTC et la CFE CGC restent muets. Restent les réunions en ateliers avec la CGT. Et la réflexion va bon train. Il y a deux ans, tout le monde devait, selon la direction, être reclassé dans la gigafactory ACC installée pour fabriquer les batteries électriques et préparer le tournant de l’automobile dans la région.

ACC a refusé de reprendre une centaine de salariés

Tout le monde ? Déjà, il y a désaccord sur les chiffres. « Pour la direction, nous sommes 400. Elle ne prend pas en compte les longues maladies (environ 60), les intérimaires au nombre de 150. Nous sommes plutôt 700 salariés actuellement. Il y a quelques dizaines d’années, à l’époque de la FM, nous étions plus de 6 300. »

Avant l’implantation de ACC, l’effectif tournait encore autour de 1500 personnes dont 300 intérimaires. Mais sur les 400 salariés que la direction voyait déjà reclassés chez ACC, une centaine ont été refusés. Le transfert ne se passe pas aussi simplement.

D’autres salariés de Stellantis reculent devant les conditions de travail : organisations en 5x8 heures, port d’une combinaison toute la journée... « Là bas, on doit travailler sous cloche », dit la CGT.

Face à la situation, les ouvriers tentent de partir ailleurs. Là non plus, ce n’est pas si simple. Lorsque leurs métiers sont en tension (maintenance ou conducteurs d’installation), la direction tente de les retenir. Sinon, ils perdent leurs avantages et doivent partir dans les conditions d’une démission.

Dans ce contexte, pourtant, et hors métiers en tension, la direction œuvre à persuader les salariés à se présenter chez ACC ou à trouver un « plan B ». C’est pour cela que les salariés qui refusent de se résigner posent une série de revendications : levée des obstacles aux départs volontaires dans les métiers en tension, prime supra-légale de 50 000 euros pour chaque licenciement, prime de 4000 euros pour chaque année d’ancienneté, congé de formation reconversion (jusqu’à 36 mois), congé senior pour les plus anciens.

« Le plus grave, insiste, Régis Scheenaerts, c’est le déni de la direction. Comment peut-elle nier la fermeture alors qu’elle nous incite à nous reclasser et alors qu’elle procède à des forages pour déterminer la pollution des sols et que l’on refait les cadastres ? Bientôt, l’usine ne tournera plus qu’avec une seule équipe. »

Surtout, les salariés refusent de payer la politique de Stellantis et de l’État qui ont laissé partir la production à l’étranger par le biais des délocalisations. « Il n’est pas question pour nous de défendre une politique de protectionnisme. On en voit les effets avec les décisions de Trump, aux États-Unis. Mais nous nous sommes vainement battus pour un droit d’alerte économique. Personne ne nous a écoutés. Nous n’avons pas à payer les pots cassés. »

La CGT en est d’autant persuadée que Stellantis réalise près d’un demi-milliard de bénéfices chaque mois, soit 5,5 milliards d’euros en 2025, traduit Régis Scheenaerts. Le groupe a quant à lui engrangé 54 milliards d’euros de bénéfice depuis 2021. «  Ils ont de l’argent et nous méritons le respect ». En 2009, un plan de redéploiement de l’emploi et des compétences (PREC) avait été mis en œuvre, à hauteur de 16 millions d’euros pour la FM. « Aujourd’hui, il y a possibilité de faire mieux », conclut le syndicaliste.

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