L’activité continue pour l’instant sous administration judiciaire, les salaires étant garantis en Allemagne jusqu’en novembre. Les filiales étrangères ne sont pas concernées.
Les sanctions américaines en ligne de mire
Rachetée en 2011 par le groupe chinois Lingyun, Kiekert paie le prix d’un enchevêtrement de contraintes : effondrement de la demande dans certaines branches, pression sur les coûts, transition technologique… et surtout sanctions américaines contre la Chine, qui ont fait fuir clients et banques. Selon son PDG Jérôme Debreu, l’actionnaire chinois n’a pas pu injecter les centaines de millions d’euros nécessaires pour tenir la barre. Les sanctions ont aussi provoqué l’annulation de commandes américaines, ce qui a précipité l’entreprise vers l’insolvabilité.
Le cas Kiekert n’est pas isolé. Au premier semestre 2025, l’Allemagne a enregistré plus de 12 000 procédures d’insolvabilité d’entreprises, en hausse de 12 % sur un an. Les équipementiers automobiles représentent la part la plus lourde avec 29 faillites majeures et plus de dix milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulés envolés, selon l’assureur-crédit Atradius. Bosch a déjà annoncé des suppressions de postes massives pour « restaurer sa compétitivité ».
Toute une région en pression
Cette fragilité industrielle frappe de plein fouet la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, cœur battant de l’économie allemande avec ses 18 millions d’habitants et ses bastions industriels – Cologne, Essen, Dortmund. La région subit une pression à la fois économique et politique. Les élections municipales de septembre ont vu l’AfD tripler son score pour frôler les 15 %, sur fond de casses sociales. La CDU reste en tête mais l’extrême droite s’installe, en exploitant le sentiment de déclassement lié aux fermetures d’usines et à la transition industrielle.
La faillite de Kiekert n’est donc pas un accident de parcours. Elle illustre la mutation brutale de l’automobile allemande, prise entre transformation technologique, concurrence mondiale et guerres commerciales. Pour la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, région stratégique au cœur de l’Europe, l’enjeu reste de défendre son tissu industriel et l’emploi, faute de quoi les fractures sociales risquent de s’élargir encore.