Ce jour-là, les cloches de Notre-Dame sonnent la victoire mais aussi la fin d’un cauchemar de six années, la foule est en liesse sur les Champs-Élysées. Pourtant, derrière les réjouissances, certaines vérités furent étouffées.
Une victoire contre la barbarie, portée par le sacrifice des peuples
Cette victoire est l’aboutissement d’une lutte sans merci menée par les peuples alliés contre la barbarie nazie. Parmi eux, l’Union soviétique a joué un rôle déterminant, souvent oublié ou minimisé. Encore aujourd’hui, le discrédit de Poutine en Europe servira à escamoter l’importance de l’URSS. Si l’on souligne volontiers le rôle des États-Unis et du débarquement en Normandie le 6 juin 1944, le tournant décisif de la guerre s’est pourtant joué à l’Est. À Stalingrad, entre 1942 et 1943, le peuple soviétique a infligé à la Wehrmacht sa première défaite majeure : c’est le tournant de la guerre. De Leningrad à Berlin, ce sont des millions de soldats et de civils soviétiques qui se sont sacrifiés dans cette guerre d’anéantissement. L’Armée rouge a libéré Auschwitz, a porté l’assaut final sur la capitale du IIIe Reich et le 2 mai, son drapeau fut hissé sur le Reichstag en ruine, 48 heures après le suicide d’Hitler. Le peuple soviétique a payé le prix fort : plus de 20 millions de morts, des villes rasées, une résistance acharnée. Sans cette mobilisation, sans cette foi dans un avenir libéré du fascisme, la victoire du 8 mai n’aurait pas été possible. Honorer cette date, c’est donc aussi saluer le courage ! Le courage des soldats de l’Armée rouge, des troupes anglo-américaines, des forces françaises libres et celui des partisans et des résistants au nazisme de toutes origines et de toutes nations.
Un 8 mai à deux visages : la victoire et l’oppression
Tandis que l’Europe célébrait la fin des combats, d’autres drames se déroulaient dans l’ombre des cérémonies. En Algérie, le 8 mai 1945 fut aussi le théâtre d’un massacre sanglant. À Sétif, des milliers d’Algériens furent tués par les forces françaises à la suite de manifestations où des indépendantistes réclamaient la fin du colonialisme et l’application des principes proclamés par les Alliés : liberté, égalité, droit des peuples. La répression fut d’une brutalité extrême, marquant un tournant dans la conscience nationale algérienne. De même, à Madagascar, où les tensions couvaient déjà, la liesse européenne masquait les prémices d’une autre tragédie : le refus obstiné de la puissance coloniale d’entendre les aspirations malgaches à l’autodétermination qui aboutira en 1947 à une répression féroce, nourrie par le même aveuglement impérial. Ces événements de 1945 révèlent donc une douloureuse contradiction : comment célébrer la liberté retrouvée tout en niant celle des peuples colonisés et aujourd’hui encore celle des peuples privés de leur souveraineté ? Une question à laquelle la fondation de l’ONU, le 6 juin 1945 à San Francisco, n’a hélas pas vraiment répondu. Le combat pour la liberté, l’égalité et la paix reste donc d’une cruelle actualité.