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Avion

Un monument aux morts pour dénoncer la guerre

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Histoire Première Guerre mondiale

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la France se couvre de monuments aux morts. On en dénombre environ 30 000. Le département du Pas-de-Calais, à lui seul, en compte 970. Celui d’Avion (Pas-de-Calais) est dédié au pacifisme.

Si beaucoup de monuments présentent des poilus partant à l’assaut, fusil à la main, d’autres monuments funéraires expriment la douleur de ceux qui restent. Certains monuments pacifistes, beaucoup plus rares, dénoncent la guerre.

La construction d’un monument aux morts est toujours une question politique : le lieu de l’érection du monument et sa composition, c’est-à-dire le message qu’il véhiculera, sont autant d’enjeux sur lesquels les affrontements politiques sont possibles.

À Méricourt, le maire communiste Michel Richard (de 1919 à 1924) s’oppose ainsi au comité d’érection du monument aux morts, arguant que le monument ne doit pas comporter d’éléments guerriers et stigmatiser le vaincu. Son successeur Georges Thernisien, passé à l’Union socialiste-communiste – un petit parti constitué de dissidents communistes – entretient des rapports plus que tendus avec le comité d’érection du monument, qui souhaite le faire inaugurer par le curé et envisage de le démonter pour l’installer sur un terrain privé. L’affaire monopolise les débats du conseil municipal de Méricourt qui décide de faire ériger un cénotaphe au cimetière communal, comportant des éléments renvoyant à des notions de pacifisme.

Le seul monument aux morts pacifiste du Pas-de-Calais

Le seul monument aux morts véritablement pacifiste du Pas-de-Calais se trouve à Avion. Sa construction est décidée par la municipalité de Pierre Duvieuxbourg, maire d’Avion depuis 1920, qui avait adhéré au Parti communiste après le Congrès de Tours, avant de rejoindre, lui aussi, l’Union socialiste-communiste en 1924.

Le monument aux morts avionnais représente l’allégorie de la guerre sous les traits de la chanteuse Damia, lâchant son glaive à la vue des mains crispées des suppliciés sortant de terre. Marie-Louise Damien, dite Damia (1889-1978), était une des plus célèbres chanteuses et actrices de l’entre-deux-guerres. Durant la guerre 1914-1918, elle participe aux tournées du théâtre aux armées aux côtés de Mistinguett ou de Sarah Bernhardt, afin de distraire les soldats. Ses chansons aux textes sombres et mélancoliques, qu’elle chante habillée d’une robe noire, éclairée par un seul projecteur, rencontrent un grand succès. En 1927, elle incarne La Marseillaise dans le Napoléon d’Abel Gance.

Le cas de la banderole pour Gaza

La préfecture du Pas-de-Calais avait autorisé la construction du monument aux morts d’Avion à condition d’ôter l’inscription « Tu ne tueras point », inspirée des Dix commandements, considérée par les autorités comme un inacceptable message politique. La municipalité d’Avion laisse cependant le texte.

Le monument aux morts d’Avion est finalement inauguré en décembre 1927 en présence de Clotaire Delourme, le secrétaire régional de l’ARAC, mais sans le sous-préfet et sans les autres associations d’anciens combattants, relate le journal communiste L’Enchaîné : « L’inauguration du monument aux victimes de la guerre n’aura pas donné lieu, dans notre ville, à des palabres patriotiques. […] Grâce aux élus communistes du Conseil municipal, la cérémonie a revêtu le caractère d’une manifestation contre la guerre. Elle a permis aux travailleurs de marquer leur résolution de ne plus se battre au profit de l’impérialisme. […] Le sculpteur Dubois présente son œuvre inspirée de la phrase du Décalogue "Tu ne tueras point". La déesse de la guerre lâche son épée et s’arrête, sidérée d’entendre les cris de haine et de voir les poings des victimes de la guerre qui, sortant de terre, la menacent. […] Elle contraste singulièrement avec tous les monuments patriotards, revanchards et rococo qui ornent trop de nos places publiques ».

La banderole appelant à l’arrêt des massacres à Gaza apposée par Jean Létoquart sur le fronton de l’hôtel de ville d’Avion s’inscrit dans une longue tradition pacifiste, que les autorités ont toujours voulu faire taire.

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