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Montigny-en-Gohelle - Fosse n° 7 et 7 bis des mines de Dourges
La grève patriotique des mineurs

Un acte fondateur pour une France qui refuse la défaite

Accès libre
Mise à jour le 5 juillet 2024
Temps de lecture : 7 minutes

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Grève patriotique des mineurs

La Ville de Montigny-en-Gohelle et la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes, commémorent ce samedi 27 mai, au puits du Dahomey, la grève patriotique des mineurs de mai-juin 1941. Ce jour correspond aussi au 80ᵉ anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance (CNR). Pierre Chéret, président de la FNDIRP du Pas-de-Calais, raconte.

Durant la première année d’occupation allemande, malgré les pressions et les peurs, on va assister à de multiples actions. Malgré les interdictions du Parti communiste et de la CGT (dans une quasi-clandestinité qui a commencé avant l’invasion), les comités d’unité syndicale et d’action et l’organisation secrète de combat vont reconstruire des réseaux mis à mal par les interdictions et les arrestations du gouvernement Daladier puis par l’État pétainiste.

Dans cette période, les rôles joués par Martha Desrumaux et Auguste Lecœur, à la demande de la direction clandestine du Parti communiste, sont indéniables. Ils reconstituent des liens entre des militants déjà bien aguerris aux luttes revendicatives et politiques et à la clandestinité. Citons Julien Hapiot, Nestor Calonne, Michel Brulé, Célestin Leduc, Charles Debarge, Marcel Ledent, Eusebio Ferrari auxquels nous pouvons associer des mineurs d’origine polonaise comme Hugo Zajac, Victor Bancel, Stanislav Szymczak ou Feliks Burczykowski et bien d’autres comme des mineurs d’origine italienne ou belge.

Un cahier revendicatif

Sur la carte du Nord-Pas-de-Calais de l’époque, le bassin minier ressemble à une longue langue noire d’Auchel à Condé-sur-Escaut. Bassin où s’entremêlent près de 200 puits de mines avec leurs carreaux de fosses et leurs triages de wagons connectés aux triages de la SNCF. Les rangées de corons des cités minières y sont accolées. À la densité des puits s’ajoutent les installations de transformations chimiques, les cokeries et des centrales thermiques. L’ensemble crée un paysage souvent odorant, enfumé et poussiéreux où les résistants vont trouver le maquis, les lieux pour s’y déplacer et s’organiser discrètement ou s’y cacher avec la complicité de ceux qui y travaillent. Ils seront les lieux où les premiers actes sur les matériels miniers et ferroviaires vont s’opérer.

Pour créer les conditions populaires d’une mobilisation des habitants des corons, ils vont faire circuler un cahier revendicatif en 11 points dont on peut trouver quelques exemplaires au centre d’archives du Pas-de-Calais. Ce cahier va clairement placer au centre de ses exigences, l’arrêt des poursuites pour faits de grèves, les questions du ravitaillement en savon, en viande ou en pain, et le paiement des heures travaillées et des aides aux familles des mineurs étrangers. Ronéotypé ou écrit à la main, il va circuler de puits en puits. En même temps que les principaux résistants, les femmes vont être l’un des moteurs de cette circulation et de la montée en puissance de ce mouvement. Elles seront 1500 face à la direction des charbonnages de Billy-Montigny, face à la soldatesque de la Wehrmacht. Emmenées par des personnes comme Émilienne Mopty et Esther Brun, elles seront contraintes de reculer, mais elles le feront aux cris de : « Pas De Carbon pou ché boches  ! ». [Pas de charbon pour les boches-ndlr].

100 000 mineurs en grève

Une décision est prise au fond d’une arrière-cour de bistrot : à partir des 5 fosses les plus importantes, on demande à ceux qui sont autour de la table de parler aux équipes du soir dès leur descente et de leur proposer l’arrêt du travail. Michel Brulé encourage ses camarades à respecter cette démarche. Georges Deroeux, jeune galibot de 17 ans, en est. À 21 h, au puits du Dahomey de Montigny-en-Gohelle, il applique la consigne à la lettre. L’air comprimé est coupé. Les marteaux-piqueurs se taisent… Même chose à Courrières, Lens, Liévin et Nœux-les-Mines. Pas de téléphone, mais des bicyclettes pour porter la nouvelle dans tout le bassin. Le maillage de la résistance va jouer son rôle.

3 jours plus tard, le 31 mai, la répression et les arrestations commencent. Les porions et les directions des compagnies ont donné les noms des meneurs. Malgré cela, l’amplification de la grève va se poursuivre jusqu’au 6 juin pour atteindre près de 100 000 mineurs en arrêt de travail. La grève se terminera le 10 juin. Le bilan est ainsi chiffré : 387 962 journées de travail perdues au fond  ; 85 281 journées perdues en surface, sans compter celles des entreprises de produits dérivés  ; 500 000 tonnes perdues et une production qui ne reprendra jamais comme avant.

Mais pour l’Allemagne nazie, il faut que le charbon parte à tout prix pour alimenter ses usines d’armement. Les préfets Carles et Bussières, représentants de l’État pétainiste et le commandant Niehoff seront contraints à des concessions sur les salaires et le ravitaillement.

À partir du 31 mai, des centaines d’arrestations vont avoir lieu. 324 mineurs vont être maintenus dans nos prisons. 273 vont prendre le chemin de la forteresse de Huy. 244 partiront vers le camp de la mort de Sachsenhausen pour presque 4 années d’enfermement. 130 d’entre eux n’arriveront pas à vivre la Libération. D’autres vont être fusillés comme Michel Brulé. Émilienne Mopty sera décapitée à Cologne.

Cette grève patriotique de mai-juin 1941, malgré les meurtrissures dans les familles et dans les rangs des premiers résistants, va donner de l’ampleur aux actions contre l’envahisseur de notre pays. La répression va certes s’amplifier, mais une nouvelle génération va amplifier aussi les résistances et prendre la place de ceux qui subiront les affres de l’enfermement, des fusillades et des déportations. «  Montez de la Mine, Descendez des collines camarades… Ami si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place ...  »

Résistance active et naissance du CNR

L’Allemagne ne sera jamais tranquille ici alors qu’elle s’apprête à envahir l’Est et l’Union Soviétique. Une résistance active est à l’œuvre. Dans sa diversité, elle va faire grandir, grâce à l’impulsion de Jean Moulin, l’idée de son unité. Jean Moulin convaincra De Gaulle de cette nécessité en lui proposant de ne pas laisser de côté ceux qui, comme la résistance communiste, vont être des acteurs ardents à l’intérieur. Il va appeler à Londres un homme du Nord, Fernand Grenier, (évadé de Chateaubriand) député PCF déchu par le munichois Daladier pour intégrer son équipe de la France Libre.

Cette résistance active portera l’idée de mettre en place le Conseil National de la Résistance le 27 mai 1943. Le 14 mars 1944, le CNR adoptera son programme dénommé « Les Jours Heureux » proposant en cela l’action immédiate pour accélérer la libération du pays et définissant les mesures qu’il faudra appliquer à la Libération de la France. Programme dont certains voudraient en faire disparaître les valeurs de solidarité et d’un meilleur partage des richesses qui persistent notamment au travers de la Sécurité sociale ou des droits des salariés.

En attendant, la grève patriotique des mineurs sera un premier acte fort et marquant, portant l’idée d’une France qui refuse d’être vaincue après l’humiliation de l’armistice.

Si ces premières résistances ne possèdent pas d’armes de guerre, elles auront autant d’effets sur les occupants qui seront contraints de reprendre en main ce qu’ils pensaient avoir délégué aux forces de l’ordre des collaborateurs pétainistes. Surtout, cette grève va instiller dans les jeunes générations l’idée qu’il est possible de mettre en difficulté l’ennemi nazi et surtout, au cœur de cette tourmente, de construire une victoire, une espérance nouvelle et proposer une société de progrès social.

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