Un ami d’Owen, en voyant les enfants de la filature manœuvrés avec une parfaite régularité lors d’un spectacle de danse, les compara à des marionnettes actionnées par la grande roue de l’usine. Cette observation souligne le contrôle absolu qu’exerçait Owen, comparable à celui d’un maître de plantation d’esclaves. Cependant, le niveau de conscience se contentait de dire : « Cette tyrannie paternaliste vaut mieux que la tyrannie tout court » que subissaient les ouvriers anglais au 18e siècle.
Paternalisme et tyrannie
À cette époque, les associations ouvrières et la grève étaient interdites par la loi en Angleterre, car elles étaient considérées comme portant atteinte à la liberté du commerce. Seules les professions les plus anciennes, comme les débardeurs de charbon de Londres, étaient suffisamment organisées pour s’y risquer.
La grande grève des débardeurs de charbon de Londres
En 1768, les débardeurs de charbon de Londres, l’une des professions les plus anciennes et organisées, ont mené une grande grève. Ils obligeaient les bateaux à abaisser leurs voiles (« strike sails ») pour les immobiliser à quai, introduisant ainsi le mot « strike » (grève) dans la langue anglaise. Cet événement montre que malgré les interdictions légales, des mouvements de résistance collective existaient déjà.
Ainsi, l’approche paternaliste de Robert Owen impliquait un contrôle significatif sur la vie des ouvriers, justifié par sa croyance en leur perfectibilité. Comparé à la situation générale des ouvriers de l’époque, où les moyens de résistance collective comme la grève étaient illégaux, Owen offrait une forme de tyrannie préférable. D’autres industriels avant Owen, comme Crollet au début du XVIIIe siècle, pratiquaient également des formes de paternalisme en exerçant un contrôle étendu sur la vie de leurs ouvriers, y compris leur logement et leur temps de repos.