Parmi celles-ci, l’envoi forcé en Indochine de résistants engagés dans l’armée de Libération « pour faire là-bas ce que les nazis avaient fait en France et en Europe » selon Léo, un ancien d’Indochine, ex-FTP puis FFI engagé dans l’armée française « pour la durée de la guerre ». Le 1er juin 1945, l’armée de terre française compte 1,3 million d’hommes dont 25 % de FFI engagés « pour la durée de la guerre plus 3 mois ».
L’armée de Libération ne pouvait pas être injuste.
Malgré la fin de la guerre, les ex-FFI restent plus longtemps que prévu dans l’Allemagne qu’ils occupent. « Chez les résistants, surtout les communistes, engagés dans l’armée aux côtés de la 2ᵉ DB du général Leclerc, il n’était pas question de rester pour permettre aux capitalistes alliés de piller à leur tour l’Allemagne. C’est ce qui avait été fait en 1918 et avait provoqué la montée du nazisme chez les Allemands. »
La répression des manifestations nationalistes algériennes à Sétif le jour même de la victoire les touche peu. « Nous étions en Allemagne, isolés du reste du Parti, les infos étaient vagues. En même temps, l’idéalisme nous poussait à penser qu’une armée de libération, un peu à l’image de celle des volontaires de la Révolution ne pouvait pas mal agir. On se trompait ! ».
Plus tard, le ministre communiste de l’Air, Charles Tillon affirmera que les ministres communistes n’avaient pas été informés de l’attaque contre les Algériens. Le PCF ne quittera pas le gouvernement « parce qu’il y avait tant de réformes sociales à imposer que notre départ aurait sans doute bloqué la création de la Sécurité sociale (19 octobre 1945), des allocations familiales (22 août 1946) et d’autres mesures du Conseil National de la Résistance. C’est injuste, mais ceux qui étaient au courant de la répression pensaient que c’était juste une erreur et que le gouvernement de la Libération permettrait un progrès social sans précédent dont bénéficieraient aussi les peuples de nos colonies. » Une illusion idéaliste qui tombera très vite.
Engagés non-volontaires ?
« Comme nous étions engagés pour la durée de la guerre, l’armée nous a informés que nous n’avions pas fini notre temps. Personne ne comprenait puisque l’Allemagne nazie avait capitulé. On nous a alors parlé de l’Asie et du Japon puis annoncé que nous y serions envoyés, sans préciser où. Dans mon régiment, un seul a accepté. Avec tous les autres, j’ai donc été qualifié d’engagé “non volontaire”.
Pour la seconde fois en 6 ans, j’ai été mis dans un train pour aller je ne savais où. La première fois c’était la Gendarmerie française et les SS qui nous avaient expédiés dans un camp de travail en Allemagne après nous avoir capturé comme réfractaires au STO ».
Une situation ubuesque confirmée par les travaux de Michel Bodin, Docteur d’État, spécialiste des combattants d’Indochine, dans son étude « Fuir la guerre : Indochine 1945-1954 » [1].
Pour lui, globalement, 70 % des hommes sous contrat et 48 % des cadres de carrière sont des « désignés ». Les Forces Françaises en Extrême-Orient (FFEO) manquent tellement d’hommes que tout engagé signe implicitement un volontariat pour l’Indochine (circulaire du 27 janvier 1946).
« Isolés en Allemagne, nous ignorions tout de notre destination finale. Seuls en réchappaient nos camarades issus des FTP des bassins miniers. Par la suite, on a su que Maurice Thorez, ministre, signait à tout va des exemptions en expliquant que la France avait besoin de bras pour la relance charbonnière. »
Parmi les acteurs de l’époque, Augustin Gailliard, de Fouquières-lez-Lens, ex-FTPF et du même régiment d’Infanterie de Marine lié à la 2ᵉ DB, qui confirme : « C’est grâce à Maurice (Thorez) que je suis revenu d’Allemagne pour retrouver le fond à la Fosse 6, sinon je partais je ne savais pas où. »