Un itinéraire académique marqué par la guerre Marc Bloch est issu d’une famille juive optante [1]. Gustave Bloch, son père, est professeur d’histoire romaine à l’université de Lyon et à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Son père fut un exemple pour lui ; il décide de suivre le même parcours que lui en entrant dès 1904 à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. En 1908, il est reçu à l’agrégation d’histoire et de géographie.
Il devint brièvement professeur en lycée. Il est mobilisé dès 1914 en tant que sergent puis est envoyé dans l’Argonne. Il termina le conflit avec le grade de capitaine dans le Service des essences et reçut la Croix de guerre et la Légion d’honneur. La guerre terminée et revenu à la vie civile, Bloch est nommé à la nouvelle université de Strasbourg pour y faire, dans un premier temps, sa thèse de doctorat d’État sur le servage.
Le co-instigateur d’une « révolution » historiographique
Le début du XXe siècle est un tournant académique marqué par de nombreux débats entre historiens et sociologues. Bloch conçoit, et ce très tôt, la discipline historique comme une science sociale.
C’est en ce sens qu’il publie en 1924, l’ouvrage Les Rois thaumaturges dans lequel il déploie une vision comparative lui permettant d’étudier le caractère surnaturel de la figure royale et des pouvoirs conférés aux rois au Moyen Âge. Cet ouvrage préfigure une vision, voire un projet, cher à Bloch et à une nouvelle génération d’historiens qui a soif de bousculer les approches trop « dépassées » des historiens méthodiques [2].
Profitant des débats au sein des sciences sociales, notamment au sujet de l’histoire économique, Marc Bloch et son collègue et ami le moderniste Lucien Febvre décident de fonder en 1929 les Annales d’histoire économique et sociale. Ce qu’on appelle désormais l’École des Annales va remettre en cause les récits historiques linéaires centrés sur les grands hommes en s’intéressant davantage au temps long et aux problématiques sous-jacentes. Dans les années 1930, il continue ses recherches et publie l’ouvrage, à la postérité grandiose, La Société féodale. Bloch propose une synthèse sur les caractéristiques générales de la société dans l’Occident médiéval, la formation des liens féodaux et l’évolution des classes sociales dans les structures de pouvoir et de domination.
Tout donner contre l’obscurantisme
Mais ça y est, la guerre toque à la porte et Bloch n’hésite pas à se porter volontaire pour retourner au front jusqu’à la défaite et la signature de l’armistice le 22 juin 1940. La promulgation par Vichy des lois antisémites qui excluent les Juifs de la fonction publique l’oblige à partir de la Sorbonne.
Il rédige un « témoignage » de juillet à septembre 1940, qui deviendra L’Étrange Défaite, dans lequel il tente d’expliquer la défaite et, d’une manière générale, le naufrage de la IIIe République. Bloch et sa famille naviguent de ville universitaire en ville universitaire. À Montpellier, il se joint à un groupe d’étude sur la Révolution nationale. Alors que les deux fils de Bloch distribuent des journaux clandestins, lui s’engage pleinement dans la Résistance après l’invasion de la zone sud en 1943, et ce, malgré ses cinquante-sept ans. Il devint rapidement représentant du mouvement Franc-Tireur auprès des Mouvements unis de la Résistance (MUR) en région lyonnaise et fut chargé de superviser la rédaction des Cahiers politiques, un projet visant à réfléchir sur les réformes envisagées après la Libération.
Le 8 mars 1944, après une dénonciation, Marc Bloch est enfermé à la prison de Montluc sous le pseudonyme de Maurice Blanchard. Il subit des tortures horribles, mais jamais il ne parla. D’après son ami Lucien Febvre, il fit cours à ses camarades prisonniers jusqu’à sa mort. Dans la soirée du 16 juin 1944, avec 29 autres résistants, Marc Bloch est fusillé à Roussille à Saint-Didier-de-Formans.
Dans son ouvrage inachevé Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, il conseillait de « donner aux jeunes une image véridique et compréhensive du monde ». Marc Bloch était un résistant, un intellectuel brillant, mais avant tout c’était un français attaché aux valeurs de la République, prêt à tout donner pour sa pérennité.