À lire le synopsis du film et les intentions des auteurs, à suivre les commentaires dithyrambes du Président du conseil départemental du Tarn-et-Garonne à l’égard de Julie Gayet, l’on peut s’attendre à tout, sauf peut-être, au recul nécessaire à porter sur cette période et sur les engagements girondins de l’autrice des droits de la femme et à l’essentiel de ce qui fut son action politique et théâtrale, dont Restif de la Bretonne, l’écrivain célèbre de cette époque parle d’une manière bien plus nuancée.
La vérité historique, fort heureusement, ne se mesure pas à l’aulne des « likes » sur internet ni des ralliements uchroniques et opportunistes. Depuis plus d’un siècle, l’Histoire s’est séparée des récits bienveillants et panégyriques des chroniqueurs. Mais ce penchant revient périodiquement.
Instrumentaliser le passé pour brouiller le présent
Aussi de quoi Olympe de Gouges est-elle le nom ? De quelle instrumentalisation sa biographie est-elle aujourd’hui l’objet ?
La droite catholique et revancharde a ses héros et la Vendée pour fustiger la Révolution, les « bleus » et Robespierre, bien sûr, massacreur de curés, artisan machiavélique de la terreur. Peu regardants sur la vérité historique, De Villiers et consorts réécrivent le récit national, Le président de la République visite le Puy du Fou et à l’occasion, en confidence, regrette que l’on ne soit plus une monarchie. Et les histrions Bern et Deutsch font le travail dans les médias ayant été promus historiens, l’un même promu « Monsieur patrimoine ». Ainsi va l’instrumentalisation de notre passé pour brouiller le présent.
La construction du mythe Olympe de Gouges est, semble-t-il, de la même nature : une réécriture de l’Histoire pour faire de la comédienne aux idées aristocratiques et monarchiques, l’inventrice du féminisme moderne, une visionnaire sacrifiée à l’autel du machisme des vilains montagnards et de Robespierre en particulier, à ceci près qu’une certaine gauche s’y rallie.
Notre féministe avant l’heure, entrée en politique dans les salons parisiens et en particulier celui de Mme Roland, a défendu, sans problème, l’idéologie politique du clan Brissot, partisan du maintien du pouvoir monarchique et de celui de l’aristocratie des riches (le maintien du suffrage censitaire masculin entre autres). Ce clan était surtout fort peu soucieux du sort du peuple (femmes, hommes et enfants), poussait à la guerre et combattait ou réprimait, autant que cela se pouvait, l’exigence démocratique et les manifestations populaires auxquelles participaient les femmes. Nos arrière-grands-mères, des campagnes ou du faubourg Saint-Antoine ne marchaient pas à quatre pattes. Sans leurs interventions, les conquêtes sociales de l’an II n’auraient pas été possibles.
La Révolution n’a pas oublié les femmes
Cette réécriture-ci nous interroge, rapportée au contexte politique dans lequel elle survient. Elle émane à la fois d’une partie de cette gauche sociale-démocrate et « sage » ne votant pas la censure au nom de la stabilité gouvernementale, toujours prête à se montrer « raisonnable » en se joignant à l’extrême centre Le mythe Olympe de Gouges qui va nous être servi tient de cela. Défendre le droit des femmes n’est pas une affaire politique, nous dit-on, c’est l’affaire des femmes, et la mise en valeur de cette égérie, sur le sort de laquelle chacun pourra pleurer, permettra encore une fois de jeter l’opprobre sur l’Histoire de la Révolution et sur ceux qui s’en réclament vraiment.
La Révolution n’a pas oublié les femmes comme ainsi on voudrait nous y faire croire. Ce sont celles du peuple – ouvrières, paysannes – qui l’ont faite. Elle ne s’est pas déroulée dans les salons à la mode que fréquentaient Mme de Gouges et Mme Roland.
Avant d’admirer le talent de Julie Gayet, allez donc faire un clic sur le site de l’ARBR. histoire de prendre un peu de recul.