3 février 1916. Dix mille soldats russes partis de Moscou, la 1ʳᵉ brigade, embarquent sur 5 bateaux à Daïren en Mandchourie pour venir combattre en France dans le cadre d’un accord entre le gouvernement français et le tsar de Russie Nicolas II. Ils débarquent à Marseille le 20 avril 1916.
Août 1916. Trois autres brigades arrivent dans le port de Brest. La 1ʳᵉ et la 3ᵉ brigade vont rester en France, la 2ᵉ et la 4ᵉ sont envoyées sur le front d’Orient.
Février 1917. La révolution éclate en Russie, le tsar abdique. Le Prikaze n°1 (décret) voté par le soviet de Petrograd donnant aux soldats des droits de citoyens, les soldats russes en France élisent leurs délégués et forment des conseils de soldats.
Avril 1917. C’est l’offensive Nivelle dite du « Chemin des Dames » en Champagne. 270 000 soldats français sont tués, blessés ou portés disparus dans cette boucherie, de même que 6 000 soldats russes. Leurs camarades survivants refusent de continuer à servir de chair à canon et exigent d’être rapatriés en Russie.
1ᵉʳ mai 1917. Les soldats russes à Champaubert dans la Marne manifestent en arborant des oriflammes rouges sur lesquels il est écrit : « Liberté », « Vive les soviets des soldats, à bas la guerre ! ». L’état-major décide de les éloigner loin du front en les internant au camp militaire de La Courtine, dans la Creuse.
26 juin 1917. les 10 000 soldats de la 1ʳᵉ brigade arrivent à La Courtine en Creuse, chassent leurs officiers, et, avec leur soviet, organisent la vie du camp. Ils refusent d’obtempérer aux ultimatums donnés de rendre les armes et de rentrer en Russie.
16, 17, 18 septembre 1917. 3 500 soldats russes de la 3ᵉ brigade restés fidèles au commandement ainsi que 5 000 soldats français, tous commandés par le général français Comby, imposent, après 3 journées de combat, la reddition des mutins bombardés par 800 obus et un mitraillage systématique.
L’armée française dresse un bilan de 9 morts et de 46 blessés. Les historiens estiment qu’il y a eu vraisemblablement des dizaines de tués parmi les soldats russes mutins, voire des centaines. Deux livres de mutins russes présents pendant la répression de mutinerie, « Mémoires de Guerre » et « Vendus contre des obus » ont été traduits en français et édités en 2022 et 2023 par l’association La Courtine 1917.
L’un des auteurs fait état de 1485 mutins morts pendant l’assaut, l’autre encore plus. Jusqu’à ce jour, le Ministre des Armées et la Préfète de la Creuse ont répondu négativement à la demande de l’association La Courtine 1917 et d’un historien russe, d’ouvrir des fouilles archéologiques dans le camp militaire de La Courtine à l’endroit d’un supposé charnier où auraient été enterrés les corps. Ceci pour tenter d’établir une vérité sur le nombre de mutins russes tués au cours de ces 3 jours de bombardement et de mitraillage, une exigence de vérité toujours présente.
Ce que sont devenus les mutins : à partir du 20 septembre 1917, les autorités russes vont les classer en 3 catégories. Ceux qui sont jugés les plus coupables et les responsables de cette mutinerie, 249 hommes, sont envoyés en détention au Fort Liédot sur l’Île d’Aix. 300 autres sont internés au camp de Bourg-Lastic (Puy-de-Dôme). Les autres soldats ont « le choix » entre s’engager dans une Légion russe pour reprendre les combats, ce que feront quelques centaines d’entre eux, ou opter pour des compagnies de travail en France, dans des exploitations forestières, dans des carrières, etc. ce qui fut le cas de 11 000 autres soldats des 2 brigades.
Près de 5 000 refusent ces deux engagements et sont envoyés aux travaux forcés en Algérie, dans les bagnes.
C’est en 1919 que le gouvernement de Lénine obtient le rapatriement de la plupart de ces soldats russes dans leur pays natal, les derniers rejoignant la Russie et débarqués à Odessa dans le sud de l’Ukraine à la fin de l’été 1920, en pleine guerre civile entre les armées blanches et l’armée rouge. Près de 400 de ces soldats vont rester travailler en France, s’installer et fonder une famille.
C’est cette page d’histoire si méconnue, de ceux qui ont dit « Non » et se sont rebellés, refusant de tuer et de se faire tuer, que l’association La Courtine 1917 fait connaître et vivre depuis 10 ans qu’elle s’est créée, une association d’éducation populaire, historique, mémorielle et pacifiste. Elle le fait à travers des colloques, des conférences, des expositions, des projections de films, des publications de revues et de livres, des spectacles théâtraux et chantés, des spectacles de marionnettes, des conférences théâtralisées.
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