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Portrait du général Boulanger, Georges Ernest (1837–1891). Date de création: 1889–1890 - CC0 1.0
République

Le boulangisme, matrice des populismes modernes

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Mise à jour le 25 septembre 2025
Temps de lecture : 4 minutes

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Histoire

À la fin du XIXe siècle, la IIIe République fut bousculée par l’action d’un homme qui maniait avec brio le langage des foules : le général Boulanger. Sa brève ascension, entre 1886 et 1889, cristallisa colères sociales, nostalgies monarchistes et aspirations révolutionnaires. Elle offre un miroir troublant pour qui s’inquiète, aujourd’hui, des résurgences populistes.

Georges Boulanger, officier de carrière, est ministre de la Guerre en 1886. Beau cavalier, allure martiale, il séduit l’opinion par ses réformes en faveur des soldats, sa fermeté face à l’Allemagne et sa capacité à incarner une revanche nationale après la défaite de 1870. Son nom devient un cri dans les meetings, son portrait s’affiche dans les cafés, et les foules acclament « le général Revanche ». Dans un pays où l’Alsace-Lorraine demeurait perdue, où l’humiliation de Sedan pesait encore, il sut incarner l’espoir d’un redressement national. En quelques mois, Boulanger passa du statut de militaire discipliné à celui de tribun adulé.

Un général charismatique porté par le ressentiment national

La singularité du boulangisme réside moins dans son programme (« dissolution - révision - constituante ») que dans sa stratégie. Boulanger coalisa des forces apparemment irréconciliables : les monarchistes, qui y voyaient l’instrument d’une restauration autoritaire, et une partie de la gauche radicale, séduite par sa dénonciation des élites corrompues. Cette convergence n’était pas une construction doctrinale mais un agrégat de colères : la droite rêvait de revanche et d’ordre, la gauche de justice sociale et de démocratie directe. Le ciment en était la figure du chef providentiel, capable de balayer la « République des opportunistes », perçue comme un système fermé, au service d’intérêts particuliers.

Cette alliance hétéroclite, où l’on croisait à la fois d’anciens communards comme le journaliste Henri Rochefort et des nostalgiques de la monarchie comme le comte Albert de Mun, préfigurait ce que l’on appellera plus tard un « mouvement attrape-tout ». En ce sens, le boulangisme fut un laboratoire du populisme moderne : démagogie sociale, discours interclassiste, propagande agressive, rejet des élites (« ceux d’en bas » contre « ceux d’en haut », « nous » contre « eux ») et culte du leader.

Une République menacée dans son existence

En 1889, l’élection triomphale de Boulanger à Paris fit trembler la République. Ses partisans l’exhortaient à marcher sur l’Élysée. L’homme hésita pourtant et choisit l’attente plutôt que l’action. L’année suivante, poursuivi pour complot, il s’exila à Bruxelles avant de se suicider sur la tombe de sa maîtresse. Sa chute fut brutale, mais l’épisode laissa son empreinte. Le boulangisme révéla que la République pouvait vaciller sous l’effet conjugué de la lassitude populaire et de la séduction d’un chef omnipotent. Le système parlementaire, miné par les scandales financiers, la corruption et l’instabilité ministérielle, apparaissait usé et impuissant face aux attentes sociales. Cette menace avortée souligne combien les démocraties bourgeoises, lorsqu’elles ne répondent plus aux aspirations profondes des citoyens, deviennent vulnérables.

En regardant cet épisode, il serait absurde d’établir des équivalences directes. Mais il serait tout aussi regrettable d’oublier combien les populismes prospèrent sur la colère, l’impatience et le désenchantement démocratique. L’histoire rappelle que le danger est moins dans les foules que dans ceux qui prétendent parler en leur nom autour d’un leader à droite comme à gauche. Dans le paysage politique français actuel, Chantal Mouffe, politologue belge et inspiratrice de LFI théorise d’ailleurs un « populisme de gauche » quand l’extrême droite s’efforce de parler « peuple ».

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