Le temps concret est celui vécu directement par les ouvriers, marqué par la pénibilité du travail et les interactions sociales. C’est le temps des activités quotidiennes, des tâches répétitives et fatigantes. En revanche, le temps abstrait est une construction sociale et économique, mesuré et quantifié en unités standardisées. Dans le contexte capitaliste, le temps abstrait est transformé en marchandise, où chaque unité de temps est associée à une valeur économique. Les capitalistes utilisent ce temps abstrait pour synchroniser et maximiser la production, imposant des horaires stricts et des cadences de travail élevées.
Les ouvriers vivent le temps concret comme une série de contraintes et de pénibilités. Leur temps est constamment contrôlé et limité par les exigences de la production. Ils n’ont pas le temps de se consacrer à des activités personnelles ou de loisirs, ce qui renforce leur subordination et leur exploitation. Les heures supplémentaires sont une manifestation de cette exploitation, où les ouvriers sont contraints de travailler au-delà des heures normales.
Humiliation et mépris du temps
L’anecdote des « 10 minutes et 10 vaches » illustre le mépris pour le temps des travailleurs. Des ouvriers de l’agroalimentaire, ayant terminé leur travail avec 5 minutes d’avance, acceptent de couper cinq vaches supplémentaires. Le lendemain, ils doivent en couper dix de plus pour « prendre de l’avance », ce qui provoque un sentiment d’humiliation. Cette anecdote concrétise la notion de Rancière sur la préciosité du temps pour les ouvriers et le mépris dont il peut être l’objet de la part de la hiérarchie.
Le film Metropolis de Fritz Lang est également pertinent dans cette réflexion. Il montre comment le temps, mesuré mathématiquement, synchronise les hommes et les échanges, devenant de l’argent pour certains et une contrainte pour d’autres. Les ouvriers de Metropolis vivent sous la domination des capitalistes, leur temps étant strictement contrôlé pour maximiser la production.
Jacques Rancière, dans des œuvres comme La Nuit des prolétaires et La Parole ouvrière, explore la vie et les écrits des ouvriers au XIXe siècle. Ses analyses mettent en lumière la division entre ceux qui disposent de leur temps et ceux qui vivent le temps comme une contrainte quotidienne.
Le Film Metropolis
Metropolis, réalisé par Fritz Lang en 1927, est un film emblématique qui illustre le contrôle du temps dans une société dystopique. Le film montre comment le temps, mesuré mathématiquement, synchronise les hommes et les échanges, devenant de l’argent pour certains et une contrainte pour d’autres. Les ouvriers de Metropolis vivent sous la domination des capitalistes, leur temps étant strictement contrôlé pour maximiser la production.