Le 28 juillet dernier était le 230ᵉ anniversaire de la mort de Robespierre, tombé lors du coup d’État du 9 thermidor (27 juillet 1794), avec ses plus fidèles alliés, collègues et amis.
Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle,
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle,
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants,
Entrant à la lueur de nos palais brûlants,
Sur tous nos frères morts se frayant un passage,
Et de sang tout couvert, échauffant le carnage
Comment ne pas avoir en mémoire ces vers magnifiques et terribles de Jean Racine, confiés par Andromaque à sa servante, pour évoquer la défaite et la mort de son époux en pensant à ces trois jours qui ont succédé au discours ultime de Robespierre devant la convention puis aux Jacobins ?
Pour reprendre l’expression de Françoise Brunel : « La plus grande fournée de guillotinés en trois jours, les 10, 11 et 12 thermidor de l’an II à Paris. »
En trois jours, ces traîtres que l’on désigne aujourd’hui sous le vocable de « thermidoriens » ont parachevé un coup d’État inédit, incertain dans son commencement, puis imposé au peuple parisien et à la France par la propagande et la violence sourde. « La Terreur » (le mot est de Tallien lui-même) s’impose dans les têtes comme épouvantail en même temps que leur prise de pouvoir, d’un certain « retour à l’ordre » comme le proclame Tallien en août, un mois après leur forfait accompli : la commune et tous les jacobins éliminés.
À l’origine, les félons sont issus de la Montagne, et ont été élus au Comité de Salut Public ou de Sûreté générale, et ils n’étaient pas des moindres : Barras, Barrère, Amar, Fréron, Tallien, Fouché, Vadier, Collot d’Herbois, Billaud-Varenne (qui portera les coups les plus durs dans la séance fatidique du 9 pour se rétracter ensuite)...
S’y adjoindront des députés de la Plaine, des dantonistes et brissotins survivants des purges de juillet 1793 et avril 1794. Fouché, Tallien, Barrère, Carrier, et Fréron ont été rappelés par la Convention pour répondre de leurs exactions pendant leurs missions. Ils savent ce qu’ils risquent. Mais tous ont un point commun : ils sont partisans du libéralisme économique, celui des théories des physiocrates, comme on les appelait, et n’acceptent pas les mesures sociales prises par la Convention – réforme agraire, blocage des prix, lutte contre les accapareurs et pour le dire par une formule, qui donnera le titre d’un court et remarquable essai de Marx « Salaires, prix et profits » pour un juste ré-équilibrage entre ces trois données. /.../