Après l’Italie, la France est le pays qui a fusillé le plus de soldats pendant la Première Guerre mondiale. Devant les conseils de guerre spéciaux-composés d’officiers nommés par le général de division, qui est leur supérieur hiérarchique et à qui ils ne veulent pas déplaire-les malheureux soldats accusés d’« abandon de poste en présence de l’ennemi », de désertion ou de mutilation volontaire se voient attribuer un avocat commis d’office parmi leurs camarades du régiment. Celui-ci n’a parfois aucune connaissance en droit. Les circonstances atténuantes sont exclues, de même que le sursis, il n’y pas de possibilité de faire appel, ni de demander la grâce présidentielle et les condamnations sont exécutées dans les 24 ou 48 heures.
700 soldats fusillés
Si le nombre total de fusillés pour l’exemple et de soldats exécutés sommairement est incertain, les historiens estiment qu’il s’élève à près de 700 soldats.
Le combat pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple de la Première Guerre mondiale est un combat historique de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH).
C’est l’avocat, journaliste, député radical-socialiste et ligueur Paul Meunier qui s’est battu, à l’époque, contre les conseils de guerre spéciaux et pour que les principes élémentaires du droit soient appliqués par la justice militaire.
Cible d’une campagne calomnieuse de l’Action française, il est emprisonné à la prison de la Santé sur ordre de Clemenceau à la veille des élections législatives de 1919 pour raison d’État. Il est libéré après 2 ans et 4 mois et après un arrêt de non-lieu. Il meurt des suites de cette détention.
L’affaire Théophile Maupas est sans doute la plus emblématique du sort des fusillés pour l’exemple. L’instituteur est l’un des quatre caporaux de Souain fusillés le 17 mars 1915 pour avoir refusé d’envoyer ses hommes à une mort certaine, à l’assaut d’une tranchée ennemie hérissée de barbelés qui n’avaient pas été détruits par l’artillerie. Dès le mois d’avril 1915, Blanche Maupas, la veuve de Théophile Maupas, contacte la LDH qui l’accompagnera pendant dix-neuf ans afin qu’elle obtienne la réhabilitation de son mari. Ce sera chose faite en 1934.
56 victimes originaires du Nord et du Pas-de-Calais
Cette histoire, Maryvonne Urbanik et Lydia Blaszczyk, deux ligueuses arrageoises membres du comité régional LDH Hauts-de-France, l’ont racontée aux élèves des six classes de troisième du collège Paul Duez de Leforest, vendredi 22 novembre.
Auparavant, les élèves et leurs enseignants d’histoire-géographie avaient pu visiter l’exposition de la LDH Hauts-de-France consacrée aux fusillés pour l’exemple du Nord et du Pas-de-Calais, fruit de deux ans de recherches dans les archives.
Au total, trente-quatre soldats nordistes et vingt-deux soldats natifs du Pas-de-Calais ont été fusillés pour l’exemple ou abattus pendant la Première Guerre mondiale. Cela a été le cas d’Augustin Santer, originaire de Bévillers, abattu froidement par un lieutenant pour s’être réchauffé en battant des pieds après être revenu de la corvée d’eau. Il lui a été reproché que le bruit pouvait être entendu par les Allemands.
Augustin Santer a été réhabilité en 1925, mais de nombreux autres soldats fusillés pour l’exemple ne l’ont pas été. Le travail de la LDH a permis de rétablir l’honneur de certains de ces hommes, à l’image d’Adolphe Dewasmes, de Billy-Montigny, fusillé en 1915, dont le nom a été inscrit en 2016 sur le monument aux morts de sa ville.
Le Principal du collège Paul Duez, Sébastien Bourel, a remercié la LDH pour cette conférence passionnante qui a ému les élèves de troisième, sensibles au sort injuste dont furent victimes des hommes qui ne méritaient pas de mourir.