Cette dette a toujours été justifiée par la France avec un certain cynisme pour le dédommagement de propriétaires d’esclaves « spoliés de leur droit de propriété ». Le président haïtien sera dans l’obligation de demander et obtiendra, un étalement de cette dette. Haïti paie donc sa liberté au prix fort. Au XIXe siècle, la France, sans aucun remords, a imposé cette dette colossale à son ancienne colonie. Le pays en subit encore les conséquences aujourd’hui. Tout au long du XIXe siècle puis du XXe siècle, les esclaves haïtiens ont été contraints de payer une dette à leurs anciens maîtres français.
Une république condamnée à la pauvreté
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Histoire : Haïti, la contagion révolutionnaireUn paiement exorbitant qui a condamné dès les origines la première république noire à la pauvreté et à un sous-développement chronique. La jeune république, n’ayant pas les moyens de payer une telle somme, fut contrainte d’emprunter à des taux d’intérêt très élevés à des banques françaises.
C’est une mise sous sujétion économique sans précédent d’une ancienne colonie qui a osé se révolter. Pour payer cette dette, le gouvernement haïtien lève de lourds impôts. Mais la dette assèche rapidement les finances de l’île qui investit ce qui lui reste dans des forts militaires, pour faire face à la menace d’une potentielle invasion française en cas de non-respect des échéances…
Un traité de l’amitié qui n’en a que le nom
En 1838, Louis Philippe, « plus généreux » que son prédécesseur Charles X, accepte de réduire la dette de 150 à 90 millions de francs or dans un accord nommé « Traité de l’amitié ». L’argent haïtien est capté par des banques via des emprunts toxiques. Haïti ne terminera de payer la dette qu’en 1888, mais les intérêts, eux, ne seront complètement remboursés que dans les années 1950 !
Cette dette explique en partie la pauvreté du pays (le plus pauvre de tout le continent américain) et son instabilité « historique ». Entre 1825 et 1890, le travail des paysans haïtiens sert exclusivement à rembourser cette dette. Aucun investissement dans les infrastructures, l’enseignement, la santé… n’est possible.
En 2001, le président Aristide évoquait un manque à gagner total de 21,6 milliards de dollars pour Haïti, soit quasiment deux fois le PIB annuel de l’île au début des années 2020. Les États-Unis, malgré leur soutien déclaré à l’indépendance d’Haïti et en dépit de la doctrine Monroe, ne sont jamais intervenus dans cette affaire, même une fois leur puissance devenue hégémonique sur le continent américain. Le maintien d’Haïti dans une situation économique précaire, correspondant à leurs intérêts économiques et géopolitiques dans les Caraïbes.
En 1791, les esclaves de Saint-Domingue, colonie française des Antilles, se révoltent dans l’île et abolissent l’esclavage.
En 1804, les esclaves – Bonaparte venaient de restaurer l’odieuse institution – repoussent les Français et proclament l’indépendance de l’île qui devient Haïti.
Le 17 avril 1825, une flotte de navires français arrive au large de Port-au-Prince. L’escadre menace l’ancienne colonie d’un blocus et d’une intervention militaire. Après de longues négociations, un accord est finalement trouvé : Haïti devra payer une somme à la France pour qu’elle tienne ses navires éloignés et ne pénètre pas dans l’île afin d’en reprendre possession et d’y rétablir l’esclavage.
Le montant fixé par la France de Charles X est astronomique : 150 millions de francs or, soit 10 fois le budget annuel du petit État.