Plus résistant, plus efficace que le cuivre, le fer bouclait enfin la première ère de l’âge des métaux.
Des forges aux fours à coke
D’abord martelé à froid, c’est en travaillant le fer dans des forges qu’on s’aperçut qu’il se transformait, selon la richesse en carbone du combustible (bois ou charbon d’abord) en fonte ou en acier. Puis, on découvrit que l’acier allié au chrome ou au nickel le rendait plus résistant encore.
Le progrès des sciences aidant, on inventa de nouveaux processus chimiques ou thermiques. Les besoins augmentant avec la population, on passa enfin, au XVIIᵉ siècle, au stade industriel qui permettait de produire en masse des objets identiques.
Encore fallut-il inventer la cokéfaction du charbon qui, à l’état brut, est impropre à la production industrielle de métaux comme la fonte et l’acier. Le procédé naquit en Angleterre en 1619, mais le développement réel de la production de coke aura lieu à la fin du XVIIIᵉ siècle.
Wendel, une dynastie sans frontières
En France, on réussit la première fonte au coke à Hayange dans les grandes usines des de Wendel en janvier 1769.
Les Wendel font partie de ces nobliaux, militaires de carrière au service du prince qui dirige, français ou étranger.
En 1704, Jean-Martin Wendel acquiert les forges de la Rodolphe à Hayange au nord du duché de Lorraine — allié des Habsbourg — devenant ainsi le premier maître de forges de la famille. Son fils, Charles, fait construire les forges de Hombourg-Haut (1754) et le haut-fourneau de L’hôpital (1760) dans une Lorraine devenue française.
Devenu de Wendel et français, François-Ignace, officier de Louis XVI, devient Premier inspecteur de l’artillerie royale et crée dans la foulée la fonderie royale du Creusot.
Anti-révolutionnaire, la famille s’enfuira à l’étranger, et la jeune république vendra leurs forges comme biens nationaux. De retour d’émigration, François de Wendel, fils d’Ignace, rachète en 1804 les forges de Hayange et les développe sous l’Empire et la Restauration.
L’extension des besoins et le développement des chemins de fer au XIXᵉ siècle virent la sidérurgie Lorraine, dominée par les Wendel, atteindre un développement considérable.
1870/1918 : présents en France et en Allemagne
La guerre de 1870 entraîne l’annexion d’une grande partie de la Lorraine et Hayange est intégré à l’Empire allemand. C’est à la mère, âgée de 80 ans, que revient la gestion du groupe en attendant la majorité des héritiers. Afin d’éviter l’éclatement du groupe, elle créera une clause stipulant que seul un membre de la famille Wendel pourra en être actionnaire. Sollicitée par un groupe allemand, elle se refuse à vendre, afin de « maintenir la présence française en Lorraine annexée ». Plusieurs fils resteront en Lorraine dont deux seront élus au Reichstag comme députés « protestataires » par une population restée fidèle à la France.
Le reste de la famille, refusant de devenir Allemand, s’établira à Jœuf (Meurthe-et-Moselle), côté français à la nouvelle frontière. Les Wendel y fondent de nouvelles et monumentales usines.
Actes de résistance ou application de l’adage selon lequel il ne faut jamais mettre ses œufs dans le même panier ?
44 ans d’occupation… et de prospérité
Ce qu’on sait, c’est qu’à la veille de la Première Guerre mondiale, puis de la réintégration de l’Alsace et de la Lorraine dans le giron français, les affaires, malgré la répartition entre deux pays, ou peut-être grâce à elle, sont plus que prospères. Les hauts-fourneaux, laminoirs et autres sites se sont multipliés.
L’entreprise est totalement intégrée. Les Wendel extraient le charbon et le fer de leurs mines et les transforment en produit fini.
« Dans la dernière année de paix, toutes ces usines auront consommé 462.000 tonnes de houille, 1.148.000 tonnes de coke, 3.826.000 tonnes de minerai de fer, 71.000 tonnes de manganèse, 131.000 tonnes de chaux. La production, en flèche de nouveau depuis le début du siècle, atteint en 1913, 1.234.000 tonnes de fonte, plus d’un million de tonnes d’acier Thomas, 120.000 tonnes d’acier Martin, 205.000 tonnes de semi-produits, 150.000 tonne de poutrelles et profilés, etc. » (Yves Guéna - Les Wendel, trois siècles d’histoire - Éditions Perrin 2004)