Ce discours fondateur marquait l’entrée du PCF dans la grande œuvre de la Reconstruction, en première ligne de ce qu’on appellera la « bataille de la production ». Pour les mineurs et pour la Nation, ce fut une page à la fois glorieuse et complexe.
L’épopée de la Reconstruction
L’été 1945 : la guerre est finie, mais la France est à genoux. Les infrastructures sont détruites, les villes, particulièrement celles du Nord, sont en ruines, la production industrielle effondrée. Il faut remettre en marche les usines, relancer les transports, reconstruire les logements. Et surtout, il faut du charbon pour se chauffer (l’hiver 1944 fut particulièrement rude). Le charbon reste la clé de voûte de toute reprise économique : il chauffe, il fait tourner les turbines, il fait rouler les trains. Or, la main-d’œuvre vient à manquer (mineurs décédés pendant la guerre, Polonais repartis vers leur pays).
C’est dans ce contexte que le PCF, devenu force politique majeure - avec 26 % des voix aux législatives de 1945 et des ministres au gouvernement - entend assumer ses responsabilités. Le 21 juillet 1945, devant 10 000 mineurs rassemblés à Waziers, Maurice Thorez s’adresse aux ouvriers.
Un appel à la portée historique
« Produire, c’est aujourd’hui la forme la plus haute du devoir de classe. » La formule frappe les esprits. Pour le PCF, auréolé du prestige de la Résistance, il ne s’agit pas d’un ralliement à l’ordre bourgeois, mais d’un prolongement du combat patriotique. La lutte contre l’occupant se transforme en lutte pour la renaissance nationale dans l’esprit du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) : « les jours heureux ».
L’appel de Thorez inaugure la « bataille du charbon » où les communistes prennent les devants : au gouvernement, dans les municipalités, dans les syndicats, dans les entreprises. Le mineur est érigé en porteur de la Reconstruction et le Parti en moteur de l’intérêt général. L’héroïque « mineur-soldat » qui « retrousse ses manches » s’impose pour toute une génération. C’est une page d’histoire sociale qui s’ouvre.
Pourtant, tout le monde ne suit pas sans réserve. Pour certains mineurs, marqués par l’exploitation d’avant-guerre, les appels au surtravail passent mal. L’enthousiasme patriotique ne suffit pas toujours à effacer la fatigue, les bas salaires et les grèves. Des militants trotskystes dénoncent un discours de collaboration de classe et fustigent un PCF devenu, selon eux, le gestionnaire loyal d’un capitalisme national. Mais ces critiques ne freinent pas l’élan général. Car les mineurs, dans leur majorité, voient aussi les conquêtes nouvelles, la reconnaissance sociale, les améliorations concrètes obtenues grâce à la mobilisation et au poids du PCF dans les institutions. L’année suivante, le Statut du mineur (1946) est arraché, garantissant salaires, sécurité, médecine, logement et retraite : une avancée historique durable.
Maurice Thorez, lui-même ancien mineur, reviendra de nombreuses fois dans le Nord, sa région natale. L’appel de Waziers, malgré les débats, restera comme un moment de bascule, où communisme rima avec patriotisme, travail avec dignité, et reconstruction avec espoir.