Une histoire tronquée
Le 19 août 1944, le colonel Rol-Tanguy, chef militaire parisien des FFI (forces françaises de l’intérieur) lançait le mot d’ordre de l’insurrection populaire de la capitale. Depuis son QG de Denfert-Rochereau, Henri Tanguy, de son vrai nom, organisait le soulèvement. Qui était-il ? Assurément le chef de la résistance à Paris, la cheville ouvrière du Comité Parisien de Libération, où les communistes étaient majoritaires.
Au nom de qui agissait-il ? Les FFI parisiennes étaient composées en grande partie par les FTPF (Francs-tireurs et Partisans Français) la branche armée du Parti communiste clandestin dirigé par le triangle de direction composé de Jacques Duclos, Benoît Frachon et Charles Tillon. Ce groupe joua un rôle majeur et c’est en accord avec lui que Rol agissait.
Ceux de nos concitoyens qui s’intéressent à l’histoire, connaissent bien certains des faits de la libération de Paris : le fait que la capitale s’est libérée du joug nazi à l’été 1944, l’entrée de la 2nde division blindée de Leclerc, le rôle de la « Nueve », le discours de l’hôtel de Ville etc. Ces évènements ont été l’objet de commémorations organisées par la mairie de Paris tout au long du mois. Mais le public de ce premier quart de XXIe siècle a-t-il connaissance que ce sont les communistes qui ont imposé le principe du soulèvement et que cette insurrection n’était pas dans les plans des forces alliées anglo-américaines qui, après le débarquement du 6 juin 1944, prévoyaient de contourner Paris et de pousser vers Strasbourg ?
Une mémoire marginalisée
Regardons de plus près, via le site de la mairie de Paris, les moments forts de ces cérémonies. Sur une bonne dizaine d’étapes relatant les évènements, le rôle de Rol-Tanguy n’est cité qu’une seule fois en filigrane : il est marginalisé et avec lui celui des résistants communistes.
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1944 : Les prémices du débarquementSurvolons la presse, en particulier Le Parisien. Aux dates de ses éditions des 19 et 20 août, aucune mention de l’anniversaire du déclenchement. L’actualité fut dominée par le décès d’Alain Delon et la partie de cache-cache de Macron avec le Nouveau Front populaire. Un feuilleton de l’été entrecoupé de Jeux olympiques.
Alors que se préparaient les universités d’été des partis politiques, nous aurions pu nous attendre à ce que des ateliers soient dédiés à ce moment d’histoire et de mémoire. Si l’évènement fut rappelé à Montpellier par le PCF, en particulier lors d’un banquet fraternel, c’est une autre actualité qui domina les travaux : la venue de Lucie Castets. Un tour de piste avant que Macron ne siffle la fin de la partie, du moins celle qu’il croit avoir gagné. Il est temps que le mouvement social inaugure une autre partie : celle des masses agissantes ! Et c’est ici que la portée de l’évènement de la libération de Paris aurait mérité sa place. Le sujet nous offrait une étude pratique de ce qu’un peuple révolté, porté par une théorie révolutionnaire de la lutte, peut bousculer les plans des stratèges : la base qui en impose au sommet, c’était la belle leçon que l’on aurait pu en tirer.