Soixante ans plus tard, cet exploit résonne encore comme un témoignage de la réussite scientifique soviétique.
Une prouesse technique sans précédent de la course à l’espace
Lorsque le vaisseau Voskhod II s’élance depuis le cosmodrome de Baïkonour, l’Union soviétique s’apprête à marquer une nouvelle avancée dans la conquête spatiale, après Spoutnik (premier satellite), Laïka (premier être vivant en orbite), Gagarine (premier homme envoyé dans l’espace) ou Terechkova (première femme cosmonaute). Une fois atteint l’orbite terrestre, Leonov revêt sa combinaison et s’engage dans le sas gonflable, il ouvre l’écoutille et s’élance dans le vide. Pendant 12 minutes, il flotte au-dessus de la Terre, relié à son vaisseau par un cordon ombilical.
Sur son casque : les initiales de son pays en lettres cyrilliques : « CCCP ». Cette sortie historique n’est pas sans péril. Sa combinaison, sous l’effet du vide, se dilate et l’empêche de rentrer dans le sas. Son co-équipier ne peut le secourir. Avec sang-froid, il prend le risque de dépressuriser légèrement son scaphandre, lui permettant de regagner l’habitacle in extremis. Cet exploit démontre la bravoure de Leonov, mais aussi les limites des technologies de l’époque et l’audace des ingénieurs soviétiques.
La science soviétique au sommet de sa gloire
Dans les années 1960, l’URSS domine la course à l’espace. Ces réussites sont le fruit d’un programme scientifique ambitieux, mené sous l’égide de figures de génie comme l’ingénieur Sergueï Korolev, le père de la fusée, dont les différentes versions ont assuré les premières spatiales.
Malgré des moyens parfois limités, la rivalité entre les constructeurs, les ingénieurs soviétiques redoublaient d’ingéniosité. Ils pouvaient compter aussi sur d’excellents mathématiciens qui calculaient les trajectoires en temps réel, parfois à l’aide de règles à calculs ! L’exploit de Leonov prouvait que l’URSS maîtrisait les technologies spatiales. En montrant que l’homme pouvait travailler dans l’espace, cette sortie a ouvert la voie aux vols habités de longue durée.
Une guerre froide dans les étoiles, un dérivatif pacifique Si l’exploration spatiale est une quête de savoir, elle est aussi le reflet des tensions géopolitiques du moment. La conquête de l’espace sert de vitrine aux régimes en compétition.
L’URSS et les États-Unis rivalisent d’exploits pour démontrer leur supériorité technologique, jusqu’à ce que les Américains prennent leur revanche avec les premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune le 21 juillet 1969. Les Soviétiques réussirent néanmoins l’exploration robotique de la Lune et ramenèrent des échantillons. En fin de compte, l’espace fut un champ de bataille symbolique et un terrain d’expérimentations scientifiques qui profitent encore à l’humanité. Sans de nombreuses sorties extravéhiculaires, jamais l’ISS n’aurait pu être montée. Les Chinois pratiquent ainsi pour assembler leur propre station.
Quant à Leonov, il participera en 1975 à la première rencontre américano-soviétique dans l’espace avec la mission Apollo-Soyouz. Il décède en 2019 à 85 ans, médaillé « héros de l’Union soviétique » pour avoir été le « premier piéton de l’Espace ».