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Guerre d'Indochine

Du statut de libérateurs à celui d’occupants

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Guerre Histoire Indochine

En septembre 1945, alors que l’Indochine est occupée au sud par les Anglais et au nord par les Chinois chargés de procéder au désarmement des troupes japonaises, Ho-Chi-Minh proclame l’indépendance de la République du Vietnam. C’est dans ce contexte que débarquent les premières unités du corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient (CFEO), placé sous le commandement du général Leclerc. Suite de notre série sur les « engagés non volontaires » en Indochine.

Le corps expéditionnaire français en Extrême-Orient comptera 260 000 hommes, ultra-majoritairement des engagés. Cependant, parmi eux et les premiers à être envoyés en Indochine, on comptait d’anciens résistants, engagés « pour la durée de la guerre » (contre les nazis pensaient-ils) expédiés contre leur gré pour une destination asiatique inconnue.

« On nous demandait d’agir comme ceux que nous avions combattus »

Léo, résistant FTPF fait partie de l’armée française qui occupe l’Allemagne fin 45/début 46 après avoir vaincu les nazis. L’Armée lui demande de poursuivre la guerre, ailleurs, sans précision. Comme la majorité des soldats des unités ex-FTPF/FFI il refuse et est enfermé dans un wagon puis embarque de France pour une destination inconnue. « Nous n’avons connu notre destination que dans l’Océan indien. Comme le Japon capitulait, nous pensions que nous serions rapatriés rapidement ».

Les dernières illusions tombent lorsque les « engagés non volontaires » débarquent en Indochine. « Ce sont des soldats japonais qui nous ont accueillis en rendant les honneurs. Ça a été une gifle ! Un accord stipulait en gros qu’en attendant notre arrivée, les Japonais garderaient l’Indochine pour nous. C’est comme si, en France, les SS avaient gardé les Français pour les remettre aux Alliés. Nous savions que les troupes japonaises avaient commis en Asie au moins autant de crimes que les nazis en Europe. Là, on s’est dit que le gouvernement de la Libération n’ouvrait pas la voie à une transformation socialiste de la société. »

En France, d’autres résistants communistes, comme Henri Martin, s’engagent de leur côté pour «  combattre des déserteurs japonais et des pillards qui terrorisent la population » d’Indochine. Lorsqu’ils y arrivent, l’armée française ne combat plus le Japon, qui a capitulé, mais les maquisards du Viêt Minh. Henri Martin refuse de se battre contre les résistants vietnamiens. De retour en France, il constituera un mouvement de soutien aux résistants vietnamiens et sera condamné et incarcéré jusqu’au 2 août 1953.

« Les camarades du Viêt-Minh nous ont aidés »

Pendant ce temps, en Indochine, une bonne partie des communistes « engagés non volontaires » prend ses marques. «  Nous n’avions pas d’infos du Parti (le PCF votera les crédits militaires pour l’Indochine jusqu’au printemps 1947 tout en la qualifiant de « sale guerre ») et notre priorité a été de prendre contact avec les communistes vietnamiens. Ça a été assez facile dans la mesure où nous avions un camarade commun, Hô Chi Minh qui participa à la fondation du PCF au congrès de Tours de 1920. Pour nous, le dilemme était grand. Nous nous retrouvions dans la position d’occupants ; un peu comme des communistes allemands, incorporés dans la Wehrmacht entre 40 et 45. Les camarades du Viêt-Minh connaissaient notre situation et nous ont aidés à gérer ces contradictions ».

Ne restaient que la désertion ou l’action militante dans l’armée.

La guerre, ça ne rend pas intelligent

Dans toutes les guerres coloniales, le PCF a toujours privilégié le travail de masse vers les soldats à la désertion ou au refus d’engagement. Quelques soldats rejoindront le Viêt-Minh, d’autres déserteront -pendant le trajet, en mer déjà-, lors de leur transport de France vers l’Indochine.

D’après Michel Bodin [1], on peut tabler sur 1 483 déserteurs et environ 360 Français (déserteurs en mer compris) au début de la guerre. Une part infime des Forces terrestres d’Extrême-Orient (0,15 % des combattants français et 2 % des légionnaires). Paradoxalement, c’est parmi les engagés volontaires, les légionnaires, qu’on comptât proportionnellement le plus de déserteurs.

« En même temps, nous savions que rester dans l’armée nous conduirait à tirer sur nos camarades vietnamiens, et eux sur nous. Mais bon, nous étions d’accord sur le fait que la bataille politique pour la paix l’exigeait. D’ailleurs, nous constations que les tracts en français, de déserteurs français et distribués par le Viêt-Minh, avaient peu d’effet sur nos camarades de régiment.

Le nationalisme mal compris et le discours contre ’’les traîtres’’ fonctionnait sur certains. Nous avons vu d’anciens résistants retournés par l’armée et se conduire comme les nazis. Le discours contre la sale guerre était difficile à tenir, surtout à des gars qui voient un camarade mourir à côté d’eux.

La guerre, ça ne rend pas intelligent ! »

Notes :

[1Michel Bodin, Docteur d’État, spécialiste des combattants d’Indochine : Les fuites dans les armées au XXe siècle / Guerres mondiales et conflits contemporains/ 2020 /4 N° 280 aux Presses Universitaires de France

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