Installées dans la métropole lilloise, le bassin minier lensois ou la région de Valenciennes, les familles juives avaient d’abord été obligées de se faire recenser. Ainsi, à Lens, 438 personnes obéissent à l’injonction et se déclarent à la mairie ou à la sous-préfecture de Béthune.
Depuis une ordonnance du commandement allemand militaire de Bruxelles du 3 juin 1942, tous les Juifs du Nord et du Pas-de-Calais de plus de six ans devaient également porter l’étoile jaune.
Au matin du 11 septembre 1942, les Feldgendarmes allemands, assistés de policiers et de gendarmes français tambourinent aux portes des habitations identifiées comme celles de familles juives, là où sont implantées les principales communautés juives : dans le bassin minier (Lens, Avion, Sallaumines, Bully-les-Mines, Hénin-Liétard, Harnes, Liévin…), la métropole lilloise (Lille, Roubaix, Tourcoing), le Valenciennois (Valenciennes, Condé-sur-Escaut, Denain), Douai et dans les quelques villes où résident quelques familles, quelques individus isolés.
La police française participe aux opérations : à Lille, ce sont ainsi 105 hommes qui sont mis à disposition des Allemands par le commissaire de police pour participer aux opérations d’arrestation.
Les réactions contrastées de la population face à la rafle
Les réactions de la population locale face à la rafle oscillent entre satisfaction et réprobation.
Selon Danielle Delmaire, un certain nombre d’habitants de Lens se réjouissent des arrestations. C’est que la « communauté juive » du bassin lensois, au contraire des communautés parisienne ou lilloise, s’est constituée durant l’entre-deux-guerres ; elle est composée pour plus de 80 % d’immigrants d’Europe centrale et orientale arrivés en France dans les années 1920 et 1930.
À l’été 1938, un tract édité par un nouveau « comité provisoire de défense du commerce français à Lens » invite les commerçants français à une réunion publique le 29 juillet pour protester contre « l’arrogance » des Juifs qui « seraient d’ici à quelques années les maîtres complets du boulevard Émile Basly » si rien n’est fait. Huit cents habitants participent à la réunion publique organisée par le groupement antisémite lensois.
Face à cette vague d’antisémitisme, la LDH, la LICA, la SFIO et le PCF de Lens se mobilisent et distribuent des tracts dénonçant l’antisémitisme.
Depuis l’ordonnance du 18 novembre 1940, relayée par l’Oberfeldkommandantur 670 de Lille, qui institue un recensement des Juifs et prévoit, dans le Nord-Pas-de-Calais, la nomination d’un administrateur provisoire pour toute entreprise juive, les commerces juifs sont tenus d’avoir un « commissaire gérant » chargé d’organiser « l’aryanisation » des biens juifs.
Dans la pratique, les magasins juifs suscitent la convoitise de commerçants ou de concurrents qui n’hésitent pas à écrire au Préfet pour dénoncer leur voisin juif et se porter candidat pour s’emparer des biens juifs.
La déportation des Juifs de Lens est donc accueillie par une partie de la population lensoise avec une certaine satisfaction. Ce n’est pas le cas à Douai et dans les autres villes de la région. Le préfet du Nord, Fernand Carles, écrit qu’elle a suscité « une émotion passagère » et constitue « un nouveau sujet d’hostilité à l’égard des autorités d’occupation ».
Le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot organise des réunions publiques dans la région pour justifier la politique anti-juive et les rafles, mais ces conférences ne rassemblent qu’une poignée d’auditeurs.
Au total, plus de 300 Juifs sont arrêtés à Lens et dans les communes environnantes, 65 dans l’arrondissement de Valenciennes… Tous sont envoyés vers la gare de Lille-Fives où les attend une centaine de Juifs arrêtés dès 4 h du matin dans la métropole lilloise, qui patientent le long des quais sous la surveillance de sentinelles allemandes.
Le courage des cheminots lillois
Au cœur du quartier ouvrier de Fives, la gare de Lille-Fives est en fait un dépôt où sont préparés et assemblés les trains et les locomotives à vapeur. Plusieurs bâtiments donnent sur les quais et les rues environnantes.
Au péril de leur vie, au moins 25 cheminots parviennent à cacher et à exfiltrer plusieurs dizaines de personnes, qui sont ensuite hébergées par des amis résistants pendant toute la durée de la guerre.
Lorsque le convoi des Juifs raflés dans la région s’ébranle en direction de la Belgique et de la caserne Dossin, à Malines, il y a à bord 513 déportés, hommes, femmes et enfants. Le plus jeune déporté lensois, Joseph Jozefowicz, n’avait qu’un mois et demi.
À la caserne Dossin, les Juifs du Nord-Pas-de-Calais sont mélangés à d’autres déportés arrêtés en Belgique, ils y restent jusqu’au 15 septembre 1942, date du départ de leur convoi vers Auschwitz-Birkenau.
Leur convoi, le « transport X », arrive à Auschwitz le 17 septembre 1942. Sur les 1 047 personnes du « transport X », 716 sont gazées dès leur arrivée. 331 déportés sont sélectionnés pour le travail. À la fin de la guerre, seuls 17 survivants du Nord-Pas-de-Calais du « transport X » reviendront des camps.