Dès le XVIIe siècle, la laine devient une ressource stratégique pour l’Angleterre. L’industrie textile, déjà florissante dans des villes comme Norwich et le Yorkshire, bénéficie d’un marché en pleine expansion. La croissance démographique et le commerce international stimulent la demande en tissus de laine, poussant à une intensification de l’élevage ovin.
La laine au cœur de l’industrialisation textile
Cette demande soutenue conduit à une mutation du système de production. Si autrefois les artisans travaillaient à domicile dans un cadre dispersé, l’essor du « Factory System » au XVIIIe siècle modifie profondément l’organisation du travail. En regroupant les ouvriers sous un même toit, ce modèle assure discipline et standardisation des productions, tout en augmentant la productivité et la rentabilité.
L’expansion de l’élevage ovin se fait au détriment de l’agriculture paysanne. Si les enclosures avaient déjà conduit à la privatisation des terres communales, l’industrie lainière accélère encore ce processus. Les terres cultivées sont converties en pâturages, et les petits paysans sont évincés au profit des grands éleveurs.
L’expropriation des paysans au profit des moutons
En Écosse, les Clearances des Highlands illustrent de manière brutale cette dynamique. À partir du XVIIIe siècle, des milliers de familles sont chassées de leurs terres par les seigneurs locaux, parfois en une seule nuit, pour laisser place aux moutons.
Ces expulsions, menées avec violence, transforment les anciens paysans en prolétaires déracinés ou en émigrés contraints de chercher refuge en ville ou à l’étranger. Cette politique d’expropriation massive renforce le réservoir de main-d’œuvre disponible pour l’industrie textile.
Les Clearances des Highlands ne se limitent pas à une simple réorganisation économique ; elles prennent parfois des allures de politique d’« extermination » sociale. Contrairement aux enclosures anglaises, qui procédaient par lois et rachats progressifs, les Clearances écossaises se distinguent par leur brutalité. Les propriétaires terriens, souvent épaulés par des milices privées, incendient les maisons et expulsent de force les habitants.
Certains historiens qualifient ce processus de « nettoyage ethnique économique », dans la mesure où il ne visait pas seulement à maximiser les profits, mais aussi à éradiquer un mode de vie communautaire incompatible avec le capitalisme industriel naissant. Cette destruction sociale a marqué durablement l’histoire écossaise, forçant des générations entières à l’exil.