Pour mieux comprendre les origines de la crise actuelle, ce dossier revient sur les grandes étapes de l’histoire ukrainienne, depuis ses fondations jusqu’aux défis contemporains. Loin des raccourcis et des lectures simplistes, cette série d’articles propose un cheminement par étapes. Chaque volet abordera un aspect particulier de l’histoire ukrainienne. Sans prétendre à l’exhaustivité, cette série veut offrir au lecteur quelques repères historiques et géopolitiques pour mieux saisir la complexité de la situation ukrainienne.
La naissance de la Rus’ de Kiev
L’histoire de l’Ukraine remonte à l’époque médiévale, avec l’émergence de la Rus’ de Kiev (IXe-XIIIe siècles), un grand royaume slave oriental. Il est souvent considéré comme l’un des ancêtres de l’Ukraine moderne, bien qu’à l’époque la région soit unifiée sous une même bannière. La Rus’ de Kiev a connu une période florissante au Xe siècle sous les règnes de Vladimir le Grand et de son fils Iaroslav le Sage, qui établirent des liens avec Byzance et convertirent la population au christianisme orthodoxe.
Mais le destin de ce royaume a basculé en 1240 avec l’invasion mongole et la destruction de Kiev par Batu Khan, un événement majeur qui précipita la fragmentation de la Rus’ et marqua une rupture entre les peuples russes et ukrainiens. C’est à partir de ce moment que le territoire ukrainien commencera à se déployer sous différentes dominations étrangères, notamment polonaises et lituaniennes.
Le mot même « Ukraine » provient de l’ancien terme slave « oukraina », qui signifie littéralement « région frontalière ». Ce terme n’évoque pas un territoire unifié, mais des zones périphériques au cœur de multiples influences. Ce concept de « frontière mouvante » a bien caractérisé le pays tout au long de son histoire, particulièrement durant les périodes de domination par des puissances extérieures. À cette époque, l’Ukraine n’était pas un État, mais un espace tampon entre plusieurs empires, que ce soit les Polonais, les Lituaniens, ou les Russes.
Le passage sous domination polonaise et l’essor des Cosaques
Au XIVe siècle, après la chute de la Rus’ de Kiev, les terres ukrainiennes passent sous l’influence du grand-duché de Lituanie, avant d’être progressivement absorbées par le royaume de Pologne au XVIe siècle. Cela provoque des tensions avec la population locale, notamment la paysannerie, soumise à un régime féodal de plus en plus sévère.
La résistance contre l’aristocratie polonaise a donné naissance aux Cosaques zaporogues, un groupe militaire indépendant qui a mené de nombreuses révoltes contre la domination polonaise. Cette période de lutte pour l’autonomie culmine avec la signature du Traité de Pereïaslav en 1654, qui marquera l’entrée de l’Ukraine sous la protection de la Moscovie, bien que sous des conditions qui ont abouti à sa vassalisation.
Sous le règne de Pierre le Grand et surtout Catherine II, l’Ukraine se retrouve peu à peu intégrée à l’Empire russe. En 1783, la création du système cosaque et l’introduction du servage marquent la fin de l’autonomie ukrainienne. À cette époque, la région est entièrement rattachée à l’Empire russe, et les terres ukrainiennes sont soumises à des réformes économiques et sociales profondes.
Une identité ukrainienne à la recherche de ses racines
Durant cette période de domination russe, l’identité ukrainienne commence à se forger dans l’opposition à l’Empire tsariste. Cependant, les tensions internes entre l’ouest, plus pro-européen et catholique (lié à l’héritage polonais), et l’est, plus pro-russe et orthodoxe, exacerbent les fractures sociales et politiques. L’Ukraine, malgré les tentatives de maintien de certaines traditions, vit sous une domination impériale qui, même si elle a permis des avancées économiques, a profondément marqué les aspirations autonomistes des Ukrainiens.
Bien que l’Ukraine n’ait pas existé en tant qu’État indépendant avant 1991, la construction de son identité nationale est déjà en gestation dans les luttes du XIXe siècle, alimentées par la culture, la langue et l’héritage historique.
Le processus de vassalisation
- Traité de Pereïaslav (1654) : Accord entre les Cosaques et la Moscovie, permettant à l’Ukraine de rejoindre la Russie tout en préservant une certaine autonomie.
- Réformes de Catherine II : La fin de l’autonomie des Cosaques et l’intégration des territoires ukrainiens dans l’Empire russe.
- Absorption dans l’Empire russe : L’Ukraine devient une région à part entière du tsarisme, marquée par la centralisation politique et la russification.