La population polonaise du Pas-de-Calais chute de 129 000 à 101 000 personnes entre 1931 et 1936.
Les premiers licenciements suivis d’expulsions du territoire visent en priorité les militants syndicaux identifiés. Participer à une manifestation et s’y faire relever son identité amène souvent l’expulsion des militants polonais. C’est ce qui arrive à cinq militants polonais de la CGTU originaires d’Évin-Malmaison, Sallaumines et Liévin, repérés lors de la manifestation antimilitariste de Lille du 3 août 1930, dont les noms sont transmis par le Préfet du Nord au Préfet du Pas-de-Calais.
Des manifestations ont parfois lieu contre les expulsions. C’est le cas en mai 1933 à Rouvroy où 250 manifestants se rassemblent devant la mairie avant de se rendre à la gendarmerie pour exiger la libération d’un militant polonais sous le coup d’un arrêté d’expulsion arrêté pour distribution de tracts lors de l’enterrement d’un ouvrier polonais tué à la mine.
À Hénin-Liétard, une manifestation est organisée le 8 mai 1934 devant le siège de la Compagnie des Mines de Dourges où les ouvriers polonais refoulés se présentaient pour toucher leur paye. Une délégation de la CGTU se rend le lendemain aux grands bureaux, le siège de la Compagnie et réussit à obtenir satisfaction sur quelques revendications : voyage gratuit et en plus 30 francs pour le chef de famille et 15 francs pour chaque personne à sa charge, une indemnité de 50 francs pour les jardins qui devaient être abandonnés, 100 kilos de bagages par personne et l’annulation des amendes des moins de 75 francs pour les dégradations de logements miniers appartenant à la Compagnie. Une manifestation de solidarité avec les expulsés polonais est organisée au moment de leur départ.
Solidaires des expulsés polonais, le Parti communiste et la CGTU pointent du doigt leurs adversaires socialistes et confédérés accusés de ne pas agir contre les expulsions de travailleurs immigrés. Cette posture permet au mouvement communiste de gagner en influence parmi les travailleurs de l’immigration polonaise.
Une grève au fond du puits de la fosse 10
Une grève importante éclate à Leforest le 26 mai 1934 où 200 mineurs polonais s’enferment dans les lavabos-douches de la fosse 10 pour protester contre l’arsenal répressif (amendes, brimades, licenciements) déployé par la Compagnie des mines de l’Escarpelle contre les travailleurs étrangers. Pour toute réponse, le gouvernement signe onze décrets d’expulsion visant les meneurs le 21 juillet 1934.
Vidéo INA : Incidents à la mine d’Escarpelle entre mineurs français et polonais
Leur notification à deux d’entre eux par la gendarmerie le 2 août met le feu aux poudres et le 6 août, 163 mineurs polonais se mettent en grève au fond de la mine. Ils retiennent avec eux 11 ouvriers français et agents de maîtrise et vont poursuivre l’occupation pendant 35 heures avant de remonter, épuisés, escortés par la gendarmerie.
Pour éviter la contagion, la Compagnie impose le chômage technique aux ouvriers de la fosse 10.
Le Grand Écho du Nord, le grand quotidien nordiste de l’époque, dénonce une « prise d’otages » et se félicite de la prompte réaction des autorités : dès le 8 août, l’État prononce 77 décrets d’expulsion, 120 grévistes sont congédiés et une douzaine de Polonais, considérés comme les meneurs du mouvement sont arrêtés et interrogés. Six d’entre eux sont écroués à la prison de Béthune.
Vidéo INA : L’expulsion des familles polonaises à Leforest en 1934
Les Polonais expulsés doivent quitter leur logement et vendre leurs meubles. Ils sont autorisés à emporter 30 kilos de bagages par adulte. Le 11 août, un premier convoi emmenant 200 expulsés et leurs proches quitte la gare de Leforest pour Lille où les wagons sont raccrochés à l’express Calais-Varsovie. Parmi eux, un certain Edward Gierek, né en 1913, militant communiste et unitaire qui deviendra premier secrétaire du Parti ouvrier unifié polonais (POUP), bien des années plus tard, en décembre 1970.