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Les passagers de la cathédrale

Une talentueuse impulsion au roman d’idées

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Mise à jour le 25 juillet 2025
Temps de lecture : 4 minutes

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Littérature Religion

Avec « Les passagers de la cathédrale », Valère Staraselski redonne une talentueuse impulsion au roman d’idées, aujourd’hui en grande perte de vitesse au profit d’une littérature très majoritairement orientée vers l’intime et le sociétal. Auteur qu’on aurait dit autrefois « engagé », Valère Staraselski n’assigne pas au roman une fonction ornementale, mais le considère et le pratique comme un espace de réflexion et de proposition.

La cathédrale qui se présente comme le véritable lieu géométrique du récit se dresse dans le vieux Meaux. Construite entre les XIIème et XVIème siècles, reprenant certaines particularités de Notre-Dame de Paris, Saint-Etienne de Meaux acquit une notoriété durable à la fin du XVIIème, quand Jacques-Bénigne Bossuet y fut nommé évêque. Les sermons et oraisons funèbres de « L’Aigle de Meaux » sont passés à la postérité. C’est donc autour de cet édifice à la croisée de l’histoire chrétienne et de la littérature classique du Grand siècle que le récit prend sa source.

À la façon du Diderot de « Jacques le Fataliste et son maître », modèle de roman philosophique, « Les passagers de la cathédrale » se présente sous les dehors d’une conversation. Le qualificatif de « dialectique », avec son double sens, serait assez approprié pour caractériser la nature de ce texte, à la fois échange d’arguments dans l’ordre du discours et démarche de pensée portée par la contradiction. Quatre hommes et une femme se croisent et conversent dans les parages de la cathédrale. Ils ont en partage une semblable dilection pour la religion et la politique. Cela commence en novembre 2017, alors que se prépare « un déferlement de vent […], un puissant tumulte qui submergerait la ville. » Une manière de parabole annonçant des temps incertains à venir. Le texte admirablement cultivé de Valère Staraselski ne cesse ainsi de convoquer ensemble les figures de style du religieux et du littéraire. Dans le mouvement d’une même quête spirituelle. La puissance du vent empêche précisément François Koseltzov de pousser le portail d’entrée. L’image ne saurait être plus explicite : Koseltzov est un athée. Peut-il devenir un « passager de la cathédrale » ?

Cofondatrices du pays actuel, les vieilles racines chrétiennes et la Révolution française

À son côté apparaît bientôt Louis Massardier, ancien professeur d’histoire contemporaine et ancien militant communiste, Louis comme Aragon (un chapitre est intitulé « La Semaine sainte »), Valère Staraselski le présente comme un « emmerdeur » inquiet de la déperdition de notre héritage historique, à commencer par ses vieilles racines chrétiennes. La présence de la cathédrale empêche justement de l’oublier. Mais aussi, cofondatrice du pays actuel, la Révolution française. En atteste la proximité, un peu plus loin sur l’A4, du moulin de Valmy. L’on rencontre aussi un Iranien chiite, un catholique pratiquant, une jeune femme lumineuse « formidable de vie » qui fédère le groupe. Dans son roman, Valère Staraselski propose un véritable concentré du présent en quête de sens, de son unité sous son apparence hétérogène. La rigueur et l’élégance classique de son écriture y contribuent largement. Ses évocations des rues de la cité meldoise, des bords de Marne ou encore du canal de l’Ourcq se présentent comme de véritables petits tableaux, qui mettent de la couleur et ajoutent leur beauté à ce captivant roman d’idées. Religion, politique, engagement associatif : comment contribuer à faire tenir ensemble ce qui paraît invinciblement se déliter  ? Comment entretenir cette spiritualité, religieuse ou laïque, qui cimente le vivre-ensemble ? La question n’est pas mince.

D’un côté « la plainte éternelle », de l’autre le refus d’un tel état et la résistance

Comme n’est pas mince la différence d’interprétation des dernières paroles du Christ « Eli, Eli, lama sabachthani ? » Pour les uns : «  Père, Père, pourquoi m’as-tu abandonné  ? » Pour les autres  ; « Père, Père, à quoi m’as-tu abandonné  ? » Le lâchage du fils ou l’hypothèse pire encore d’un monde en désastre. D’un côté « la plainte éternelle », de l’autre le refus d’un tel état et la résistance. De ce côté-là sont convoqués, comme pour renforcer encore les éclairages du texte, Engels, Rosa Luxemburg, Gramsci, Simone Weil. Tous développant une pensée non dogmatique. En l’espèce, Valère Staraselski s’inscrit bien dans le présent et ses enjeux politiques et sociaux les plus immédiats. Il y a quelque chose de stimulant dans la profonde culture qui s’affiche ici et la liberté de pensée qui en découle. Ce qu’on attend sans doute encore de la littérature.

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