Davantage connu pour ses tragédies, l’Académicien s’est fendu de ce poème, La Guerre, entre deux adaptations d’Homère. Bien plus que de pointer les va-t-en-guerre, il les invite avec une noire ironie à « prêcher leurs théories / Devant ces fronts troués ».
Des vers à lancer au nez des poursuiveurs de supplice, accrochés aux vieilles branches des marchands de canons, pour qui il n’y aura jamais de « der et ders » tant que les gros sous continueront de tomber.
LA GUERRE
Je voudrais voir les gens qui poussent à la guerre,Sur un champ de bataille à l’heure où les corbeauxCrèvent à coups de bec et mettent en lambeauxTous ces yeux et ces cœurs qui s’enflammaient naguère,Tandis que flotte au loin le drapeau triomphant,Et que parmi ceux-là qui gisent dans la plaine,Les doigts crispés, la bouche ouverte et sans haleine,L’un reconnaît son père et l’autre son enfant.Oh ! Je voudrais les voir, lorsque dans la mêlée,La gueule des canons crache à pleine voléeDes paquets de mitraille au nez des combattants,Les voir, tous ces gens-là, prêcher leurs théoriesDevant ces fronts troués, ces poitrines meurtries,D’où la Mort a chassé des âmes de vingt ans.