Les Cueco : Marinette et Henri, desseins croisés

C’est une première. La Papeterie d’Uzerche consacre l’été 2025 à une rencontre posthume entre deux figures aussi complices que singulières : Henri Cueco (1929-2017) et Marinette Cueco (1934-2023). Sous le titre Desseins Croisés, l’exposition propose près de 150 œuvres, révélant un double univers artistique qui, s’il s’est nourri d’une vie partagée, n’avait encore jamais été montré côte à côte.

Une double fidélité au réel et au vivant

Henri Cueco, peintre, écrivain et intellectuel engagé, fut l’un des fondateurs du collectif Figuration Critique dans les années 1970. Ses peintures, souvent ironiques, revisitent la tradition de la nature morte ou du paysage pour interroger le regard, l’idéologie et le rapport à la banalité du quotidien. On se souvient de ses séries sur les pommes de terre, sur les chiens, ou encore de ses toiles collectives, conçues comme autant de manifestes.

Face à lui, Marinette Cueco a choisi une autre voie, plus discrète, mais tout aussi radicale : celle du végétal. Ses sculptures et installations tressées de plantes sauvages ou de fibres organiques composent un langage inédit, à mi-chemin entre botanique, écriture et rituel.

Une partie des œuvres d’Henri Cueco reflète aussi son ancienne appartenance au Parti communiste : représentations de Marx, Lénine et Mao dans ses tableaux « rouges », séries comme Les Chiens (dont un immense tableau fut présenté à l’exposition Libres comme l’art pour le centenaire du PCF, à l’espace Niemeyer). Cofondateur de la coopérative des Malassis, ses œuvres collectives ont également marqué les expositions organisées par le PCF, notamment sur le Vietnam. L’exposition montre aussi des photographies plus intimes d’Henri Cueco, militant communiste en Corrèze dans les années 1960.

Une scénographie dialoguée

À la Salle de la Machine, vaste espace industriel de la Papeterie, les œuvres se répondent avec une évidence troublante. Les carnets, dessins et livres d’artistes, exposés en parallèle, ouvrent une fenêtre sur l’intimité de leur processus créatif.

Ce face-à-face révèle autant de convergences que de dissonances. L’un s’attache au réel dans sa crudité et ses contradictions  ; l’autre transforme la nature en langage plastique. Ensemble, ils composent une œuvre à deux voix, où se dessine une fidélité commune à l’expérience sensible.

L’exposition s’inscrit dans une dynamique de valorisation artistique portée par la ville d’Uzerche et repérée au niveau national. Déjà mentionnée par Le Monde parmi les expositions estivales à suivre, elle se présente comme un temps fort de la saison culturelle corrézienne.

Au-delà de l’hommage, Desseins Croisés pose une question essentielle : comment l’art peut-il conjuguer le politique et le poétique, le regard critique et l’attention au vivant  ? À l’heure où les enjeux écologiques et sociaux s’entrecroisent, la réunion des Cueco trouve une résonance singulière.