La Direction générale de la sécurité intérieure « est chargée, sur l’ensemble du territoire de la République, de rechercher, de centraliser et d’exploiter le renseignement intéressant la sécurité nationale ou les intérêts fondamentaux de la Nation. (...) ».
En quoi la sécurité nationale et les intérêts fondamentaux de la Nation étaient-ils engagés le 16 juin dernier au complexe cinématographique Megarama à Arras pour que la sécurité intérieure intervienne, précédant le retrait du film Le Char et l’Olivier ?
L’œuvre de Roland Nurier, réalisateur et scénariste français, présente « Une autre histoire de la Palestine » comme l’indique son sous-titre. Elle propose sans manichéisme des clefs de compréhension sur la situation avec le nécessaire retour sur l’histoire de la Palestine avant la création de l’État d’Israël.
Le film est projeté depuis le 6 novembre 2019 dans des dizaines de villes de France, dont Arras, sans problèmes particuliers.
La police veut les identités !
Le 16 juin donc, à l’initiative d’Attac et d’un collectif d’organisations, le film devait être projeté au Megarama d’Arras, suivi d’un débat comme s’en tiennent des centaines à travers tout le pays.
Début juin cependant, la direction du cinéma recevait un mail des renseignements intérieurs demandant notamment « qui est à l’initiative de cet événement ? », « Connaissez-vous le nombre de participants ? », « si oui avez-vous les identités des personnes ? », « Plusieurs associations dont l’AFPS 59/62 et Attac seront présentes à cet événement (…) avez-vous les identités des représentants (et celles) des représentants d’autres associations ou collectifs… » ainsi que les identités et coordonnées d’un intervenant palestinien et d’une traductrice.
En quoi ces informations relevaient-elles de la mission des services de renseignements intérieurs, dépendant de l’ineffable Bruno Retailleau, à savoir protéger « la sécurité nationale ou les intérêts fondamentaux de la Nation » ?
En rien, sinon à mettre la pression sur le groupe Megarama qui compte 34 cinémas représentant plus de 230 écrans, et diffuse régulièrement des films suivis de débats sur des sujets d’actualité et de société.
Après la pression, la censure
Et effectivement le 10 juin, après la demande pressante des services du ministre de l’Intérieur, la direction nationale de Megarama demandait à son site arrageois de déprogrammer Le Char et l’Olivier et le débat qui suivait. De vagues justifications sans précisions furent bien avancées sur un débat qui aurait causé des problèmes en début d’année… On n’en saura pas plus, sauf que dans le groupe de diffusion des films, on laisse entendre que c’est « sous la pression des services de l’État » que Megarama national a demandé à Megarama Arras d’annuler le ciné-débat du 16 juin.
C’est la première fois depuis des décennies qu’un ciné-débat est censuré dans ce groupe qui vient de célébrer ses 75 ans d’existence.
Une quinzaine d’organisations a immédiatement dénoncé la censure sans que cela semble émouvoir le Préfet du Pas-de-Calais et les troupes du locataire de la Place Beauvau.